Arman et Amélie s’ennuient dans leur vie. Il faut bien qu’il se passe un jour quelque chose, nous confessent-ils, face caméra. Heureusement, ils vont finir par se rencontrer, s’ennuyer à deux et embarquer le spectateur dans leur lassitude. Si vous êtes de fervents admirateurs de docu-fictions télé à la française, façon Au nom de la vérité ou Le jour où tout a basculé, où de mauvais comédiens en plan fixe racontent, avec beaucoup trop de détails, l’action qu’ils sont en train de vivre ou qu’ils viennent de subir, réjouissez-vous ! Car ici, ce procédé narratif s’étire sur 1h30. Si l’on peut s’en amuser les cinq premières minutes, les non-aventures de ces trentenaires bobos qui ont du baume au cœur et à l’âme, interloquent autant qu’elles énervent sur la durée. Pourtant, des films fauchés tournés avec des comédiens motivés, mais pas forcément aguerris, tournant autour d’histoires nombrilistes, il y en a pléthore, dans le cinéma français. Mais pour un La Reine des pommes de Valérie Donzelli, combien de 2 automnes, 3 hivers ? Le film multiplie les intervenants et les digressions. Certaines sont d’ailleurs plus réussies que l’histoire originale, comme celle du garçon déçu de rater jusqu’à ses tentatives de suicide, la sœur hippie de Benjamin (formidable Pauline Etienne déjà remarquée dans La Religieuse), ou celle de la jeune femme asiatique lubrique qui a décidé de devenir lesbienne, afin de trouver plus de simplicité dans sa vie. Mais il se heurte en permanence à l’ego de ses deux protagonistes principaux, des Colin et Chloé échappés d’une Ecume des jours du pauvre. Il y a parfois des moments de grâce et des instants suspendus, oscillant entre esthétisme (la scène de fin dans le métro) et absurdité (la scène du supermarché ou bien le passage chanté), mais rien ne dépasse l’anecdote. On peut filmer la vacuité avec brio (certains réalisateurs en sont même devenus des maîtres), on peut partir d’une histoire proche du néant pour en faire une épopée en surplace, mais ici, malgré une bonne volonté collégiale qui transpire de la pellicule, on ne dépasse pas le cadre du film de fin d’année d’études tourné entre amis. Mais pas d’inquiétude pour Sébastien Betbeder : après 2 automnes et 3 hivers, viendra bien le printemps…
2 automnes et 3 hivers de Sébastien Betbeder, avec Vincent Macaigne, Maud Wyler, Bastien Bouillon, Pauline Etienne… France, 2012. Programmation Acid Cannes 2013.
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