Les vacances et les Jeux olympiques fournissaient les éléments idéaux d’une semaine télé pourrie. Eh bien non, tel un Nelson Monfort qui comprendrait enfin les règles du short track (on peut rêver), la télé peut surprendre. Avec une programmation de circonstance : l’inoubliable Rasta Rockett, dont les héritiers s’élancent ce dimanche sur les pistes de Sotchi ; Tomboy, en pleine polémique puisqu’il fait partie du programme « Ecole et cinéma », au grand dam des défenseurs des stéréotypes sexués ; et le début de la saga Indiana Jones, un moment régressif propre aux vacances scolaires. Sans oublier Le Fils préféré, le premier film de Nicole Garcia derrière la caméra, alors qu’elle met en scène son fils dans Un beau dimanche, sorti au début du mois.
La Grande Illusion, de Jean Renoir – dimanche, 20h45 – Arte
Les Sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick – lundi, 20h50 – Arte
L’Adieu aux armes, de Frank Borzage – lundi, 22h15 – Arte
Arte présente, dans son cycle sur la Première Guerre mondiale, trois visions du conflit. Jean Gabin, Kirk Douglas et Gary Cooper sont chacun dans des positions différentes : dans un camp de prisonniers en Allemagne, entre soldats et généraux dans la guerre des tranchées, ou en arrière du front, dans les hôpitaux sous le charme des infirmières. Mais pour tous, il s’agit de résister à la boucherie en gardant son humanité, ses principes, ses émotions. Dans La Grande Illusion, Jean Renoir s’intéresse à la dimension sociale de la guerre, qui mélange dans ses rangs des hommes de tous milieux. Consacrant la fraternité entre les peuples, il montre l’amitié entre un Français et un Allemand (Pierre Fresnay et Erich von Stroheim), face au déclin de l’aristocratie, et les oppose à la vision d’un homme du peuple, Jean Gabin. La guerre pour la gloire des armes ou la guerre pour la souveraineté des peuples, chacun a sa vision du conflit, mais tous essaient de s’en extraire. Avant d’être rattrapés par l’absurdité d’un conflit qui sépare les nations. L’absurdité, c’est aussi ce qui intéresse Stanley Kubrick dans Les Sentiers de la gloire. La bêtise de ces généraux, calfeutrés dans les salons dorés, envoyant leurs hommes se faire tuer dans une bataille perdue d’avance pour ne pas être désavoués. Face à une parodie de justice, Kirk Douglas se dresse seul face à une institution qui organise la mort de ses propres troupes. L’absurdité, ce n’est pas tant celle de la guerre que celle de l’armée, au sein de laquelle les ambitions personnelles, et les veuleries individualistes, passent bien au-dessus de la survie collective. Un homme qui se bat au nom de ses principes et qui fait figure d’exception parmi les généraux, qui plaquent sur lui leur propre cynisme. L’Adieu aux armes, de son côté, reste éloigné du front. Après l’Allemagne et la France, nous voilà transportés en Italie, où un ambulancier américain tombe sous le charme d’une infirmière britannique. Chez Frank Borzage, la guerre est le décor d’une romance tragique, ce qui en conditionne à la fois la naissance et l’issue. L’ambiance de garnison, le deuil, l’urgence sont autant d’éléments qui font que Gary Cooper et Helen Hayes s’aiment, se séparent et se retrouvent.
Trois films pour raconter la guerre, une guerre en noir et blanc, pour s’intéresser à ses aspects les plus différents. Certaines s’élèvent au-dessus du conflit, d’autres sont plongés dans ses méandres les plus abjects, et les derniers en subissent les conséquences. Chaque fois, des hommes pris dans un système qui les dépassent.
Les Aventuriers de l’arche perdue, de Steven Spielberg – mardi, 20h50 – M6
Après avoir repassé l’intégrale Star Wars, M6 poursuit une suite logique et quelque peu régressive avec Indiana Jones. On se replonge donc avec délice dans les aventures de l’archéologue à l’humour flegmatique, affublé, dans son combat face aux nazis (et non face aux extraterrestres… ceci est un appel au boycott du quatrième volet, Le Royaume du crâne de cristal), d’un père castrateur, d’une maîtresse courageuse et de sa peur des serpents. Harrison Ford a peut-être pris un petit coup de vieux depuis, il n’en est rien du fidèle Indy, tombeur de ces dames, aussi macho dominateur que fils diminué, aussi lâche que courageux. Un héros, un vrai, avec ses failles et une bonne dose d’autodérision pour une trilogie (oui, trilogie) dont le charme réside justement dans le fait qu’elle ne se prend pas au sérieux.
Tomboy, de Céline Sciamma – mercredi, 20h50 – Arte
Si vous êtes Jean-François Copé ou Christine Boutin, restez éloignés d’Arte ce mercredi soir, sous peine de risquer le malaise cardiaque. Pour les autres, vous pouvez vous délecter de la sensibilité de Céline Sciamma, qui brosse dans Tomboy le portrait d’une fille qui se fait passer pour un garçon. Un garçon manqué (tomboy, en anglais, donc), au sens propre du terme. Mais, avec une bonne dose de valium, Jean-François Copé et autres Christine Boutin pourraient, grâce à ce film, accéder à des réalités qui les dépassent. Une quête d’identité, une confrontation aux stéréotypes, l’humiliation de la supercherie démasquée. Tomboy est un film de regard. Le regard que portent les enfants – filles et garçons – sur Laura déguisée en Michaël. Celui, bienveillant, de sa famille. Celui, plein de préjugés, des autres adultes. Un enfant et l’apprentissage des règles sociales, dont il est à la fois si facile de s’extraire tant que l’état civil n’est pas dévoilé, et si contraignantes tant elles attribuent des rôles prédéfinis. Le tout sous le soleil éclatant du mois d’août, qui enveloppe d’espoir cette histoire existentielle.