Mommy, de Xavier Dolan

 

Allô maman bobo

Mommy, de Xavier DolanA 20 ans, Xavier Dolan tuait sa mère. Cinq ans plus tard, il récidive en la serrant très fort, vraiment très fort dans ses bras avec Mommy. Un mélo frénétique porté par un formidable trio d’acteurs joyeusement tragiques. A sa tête, une révélation. L’extravagant Antoine-Olivier Pilon qui nous jette en pleine face son trop-plein d’énergie. Dans le rôle de la mère, on retrouve l’indéboulonnable et charismatique Anne Dorval, fidèle partenaire du Montréalais, qui s’était déjà vue confier la difficile responsabilité maternelle dans J’ai tué ma mère. Et enfin, il y a la voisine bègue, institutrice douce et secrète, incarnée par la délicate Suzanne Clément, autre muse des premiers jours du cinéma de Dolan.

Diane “Die” Desprès a derrière elle trois ans de veuvage et devant elle, un fils bipolaire à gérer, Steve, qui vient de se faire virer de son centre correctionnel. Steve souffre de TDAH – Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité –, accompagné d’un syndrome d’opposition-provocation. Bref, le garçon est pour le moins instable. Angélique lorsqu’il aime, diabolique lorsqu’il n’aime pas. Sa mère choisit de tenter le coup malgré tout en reprenant la garde de son rejeton. Il est son joyau et sa croix. Ils s’embrassent pour mieux s’insulter l’instant d’après. L’occasion de s’initier aux subtilités fleuries du joual, l’argot québécois. Couple terrible et bohème, Diane et Steve se retrouvent projetés dans l’effervescence inventive d’un Dolan définitivement très joueur. Format 1×1, BO façon MTV Music Awards (Céline Dion, Oasis, Counting Crows, Lana del Rey, Dido…), couleurs vives, répliques truculentes. Comme à son habitude, le cinéaste s’appuie sur les profils hors normes de ses personnages pour justifier un cinéma tout feu tout flamme, capable de glisser sans complexe d’un ton à l’autre, de la répulsion haineuse à la passion effrénée. Mommy est le nouvel échantillon de ce cinéma réjouissant et malin auquel nous a désormais habitués Xavier Dolan. On lui reprochera simplement peut-être quelques dérives complaisantes. Quelques effets de manche futiles. Quelques longueurs parasites. Bref, plus sommairement, dirons-nous que le Dolan gagnerait à se “dardenniser” un poil de temps à temps. Mais ces réserves émises, Mommy est un excellent cru et Xavier Dolan peut s’enorgueillir d’un parcours quasi sans faute.

Avec son cinquième long-métrage, le prodige et prodigue Québécois entretient le feu sacré qui illumine l’ensemble de sa cinématographie précoce. Il y confirme son insolente créativité en délivrant sans doute l’un de ses films les plus euphoriques. Euphorique et désespéré. Mommy est une déclaration d’amour tourmentée, impulsive et sans compromis.

 
Mommy de Xavier Dolan, avec Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément… Canada, 2014. Prix du jury du 67e Festival de Cannes. Sortie le 8 octobre 2014.