Le marché noir des films obscurs

 

Amateurs de midnight movies, d’obscurités en tous genres et d’OFNIS, réjouissez-vous ! L’éditeur Blaq Out inaugure une nouvelle collection nommée « Blaq Market » et pour lancer ce projet dédié aux œuvres inclassables, étranges et méconnues, il nous offre deux perles du genre : L’Enfant-miroir de Philip Ridley (GB, 1990) et Der Samurai de Till Kleinert, (Allemagne, 2014).

Le Samourai, de Till KleinertPenchons-nous premièrement sur le cas du Samurai
Récompensé par un prix lors du dernier Festival des maudits films à Grenoble, ce long-métrage allemand narre l’histoire d’un jeune policier qui va croiser la route d’un mystérieux et violent individu lors d’une nuit ensanglantée. Mélangeant les genres et les références (les loups-garous, la théorie du genre et les films de samouraïs…), le film baigne dans une ambiance de cauchemar. Tout comme le héros, on ne sait pas à quoi s’attendre, la seule certitude, c’est que cet étrange samouraï est venu pour ce policier, pour lui faire comprendre quelque chose, pour qu’il réalise ou accepte enfin…
Magnifiquement réalisé – certains plans évoquent les contes de fées -, superbement interprété, Der Samurai est une œuvre envoûtante, unique dont le grand mérite est d’aller au bout de son « délire ». Il y a une honnêteté et un premier degré assez touchants dans ce récit d’apprentissage tordu et terriblement émouvant…
Passé inaperçu lors de sa sortie en salle l’été dernier, il serait dommage de passer à côté d’un fleuron du cinéma « autre ».

L'Enfant-miroir, de Philip RidleyL’Enfant-miroir est l’œuvre du plasticien et réalisateur britannique Philip Ridley. Il s’agit de son premier long-métrage. On y découvre la vie de Seth Dove, un enfant vivant dans une petite communauté entourée de champs de blé interminables. Nous sommes dans les années 1950. Seth est convaincu que sa voisine, Dolphin Blue, une jeune veuve anglaise est en fait un vampire. Quand le frère de Seth rentre de la guerre et tombe amoureux de la jeune femme, le monde de Seth s’écroule.
Résumer ce film, c’est littéralement « le résumer ». C’est-à-dire le réduire. Difficile de donner dans un synopsis l’ampleur de la narration, les différents niveaux d’histoire, les mini-intrigues qui finissent par converger à la fin et donnent lieu à l’un des plans finaux les plus glaçants du cinéma. C’est une œuvre dont la poésie, la force picturale et émotionnelle n’ont d’égal que sa maîtrise et son charme étrange, oppressant.
Le film a beau se dérouler dans les champs de blé, on se sent suffoquer. C’est que pour Seth, le seul horizon possible est celui de son imaginaire. Rêveur, le garçon s’invente des histoires, des mondes imaginaires dont il a besoin pour supporter une vie au sein d’une famille absolument dysfonctionnelle et une communauté peuplée de fanatiques religieux.
Drame psychologique, film d’horreur, L’Enfant-miroir, défie la notion de genre. C’est un film complètement à part, comme toutes les œuvres de son auteur (qui n’a réalisé que trois films à ce jour, mais trois films essentiels), un film qui dérange, qui secoue et ne s’oublie pas. Dépeignant le monde de l’enfance comme un conte dont la cruauté est sans merci, il nous met face à un spectacle terrifiant : le cycle horrible de la violence humaine. Qu’elle soit psychologique ou physique, fantasmée ou réelle, elle gouverne ce monde où Seth tente d’exister, mais où il est sans cesse contraint d’être à la fois le bourreau et la victime, un spectacle désolant et déchirant dont il ne peut pas sortir indemne.
Ce chef-d’œuvre nous plonge ainsi dans un univers trouble, un monde cauchemardesque que l’on n’est même pas sûr d’avoir quitté une fois le film terminé…

Une rencontre avec Philip Ridley est organisée le samedi 21 novembre, plus de détails ici.

Le film est projeté le 22 novembre à 16h30, à l’occasion des Séances cultes du Paris International Fantastic Film Festival, en présence de Philip Ridley.