Le chant des partisanes
Etrangement, Les Filles du soleil – qui célèbre le courage des combattantes kurdes – ouvre et se conclut sur le personnage de Mathilde (Emmanuelle Bercot), reporter française et blessée de guerre. Une place prépondérante qui traduit le regard occidental, un peu ethno-centré, de la réalisatrice française Eva Husson. Un regard de femme aussi, sur des femmes, qui célèbre la vie – comme les paroles de la chanson de combat des soldates, écrite par la réalisatrice, à la gloire des femmes, de la vie et de la liberté. Les Filles du soleil pose plusieurs questions : peut-on filmer la guerre avec tant de beauté graphique ? L’histoire de ces femmes, et l’émotion qu’elle suscite, devait-elle s’accompagner de facilités de scénario (flashbacks, timing de certains événements, retrouvailles opportunes) et d’une musique grandiloquente ? Pour la première, après avoir vu tant de films de guerre oscillant du gris au kaki, on se laisse à dire oui. Les paysages (bien qu’ils soient géorgiens et non kurdes), la lumière donnent du souffle au film. A la seconde, on est plutôt tenté de répondre par la négative, tant ils finissent par agacer et amoindrir la portée du sujet. Les Filles du soleil en devient inutilement démonstratif, sans compter que l’attention portée à la féminité des personnages gomme leur dimension idéologique : en dehors du fait qu’elles s’appellent « camarade », aucune référence n’est ainsi faite au marxisme des combattants kurdes. Les hommes, quant à eux, pleutres au combat, implacables dans la torture, ne sont pas à l’honneur. Reste le regard déterminé de Golshifteh Farahani, qui emporte tout. Le titre du film est au pluriel, mais c’est sur elle seule que repose la force du film. « Nous sommes toutes des héroïnes », dit-elle dans une conclusion un peu bravache. Peut-être. Elle, assurément, en est une.
Les Filles du soleil d’Eva Husson, avec Golshifteh Farahani, Emmanuelle Bercot, Zübeyde Bulut… France, 2018. En compétition du 71e Festival de Cannes.