Le pouls de la fiction
Qu’il était attendu le nouveau Tarantino. L’événement incontestable de cette édition du Festival, qui a vu certains faire plus de 4h de queue (en cumulé) pour pouvoir assister à l’une des projections. Deux jours durant, Tarantino a insisté pour que ceux qui ont vu le film en dévoilent le moins possible à ceux qui le verront. De quoi faire monter l’impatience d’un cran. La déception, aussi, une fois qu’on a enfin pu entrer dans une salle. C’est le risque et la contrainte du festivalier, condamné à l’immédiateté, de l’emballement comme du jugement. Il faudra certainement revoir ce Once Upon a Time… in Hollywood pour l’apprécier à sa juste valeur.
Car pendant 2h de film, on se demande bien ce qu’il ne fallait pas dévoiler, tant l’action est minimale. Le dernier-né de Tarantino est bien plus une chronique qu’un récit. Celle du quotidien d’un acteur sur la pente descendante – génial Leonardo DiCaprio – et de sa doublure cascade – la renaissance de Brad Pitt. De Los Angeles en 1969 et ses hippies, d’Hollywood à l’aube d’un changement d’ère, entre la fin de l’âge d’or et l’avènement du Nouvel Hollywood. Leonardo DiCaprio, donc, est Rick Dalton, acteur connu pour une série télé terminée depuis 8 ans, et qui ne trouve plus sa place dans l’industrie. Portrait touchant d’un acteur en plein doute, lui qui a connu la gloire dans sa jeunesse et s’interroge sur un avenir peut-être bouché à la quarantaine. Le choix de Leonardo DiCaprio, star à 20 ans et que l’on n’a plus vu depuis 4 ans, malgré son Oscar si longtemps attendu pour The Revenant, rend le personnage d’autant plus poignant. A ses côtés, Brad Pitt, dont on avait oublié au fil du temps et des chroniques people qu’il est un grand acteur. Lui assume être un cascadeur vieillissant – même s’il peut encore mettre une raclée à Bruce Lee – et se contente de devenir progressivement un chauffeur, un assistant, un compagnon. C’est aussi, peut-être pour la première fois pour Tarantino, le film d’une amitié sincère et profonde entre deux de ses personnages.
Comme toujours, Once Upon a Time… in Hollywood est fait de longues séquences semblant sans lien les unes avec les autres, des digressions plus ou moins réjouissantes, permettant de sillonner la ville de l’enfance du réalisateur, et surtout de s’amuser à toute une série de pastiches retraçant la carrière de Rick Dalton. Un hommage appuyé et drôle à la télévision en noir et blanc et aux western-spaghetti (dont Sergio Corbucci, qui lui avait inspiré Django Unchained). Un hommage, aussi, aux cinémas de quartier, dans l’un desquels Sharon Tate (Margot Robbie) se rend pour voir l’un de ses films, Matt Helm règle son comte. Délicieuse scène où l’actrice se délecte autant de se voir que de voir les spectateurs la regarder. Car c’est l’autre sujet de Once Upon a Time… in Hollywood, et le plus délicat. Rick Dalton a pour voisins Sharon Tate et Roman Polanski, pendant que, dans un ranch abandonné, Charles Manson forme ses disciples. C’est ici qu’il ne faut pas trop en dire. Pourtant, le choix de Tarantino pour raconter ce meurtre est emblématique de son rapport au cinéma. Toute son oeuvre a montré sa fascination pour les méchants et la violence. Mais des méchants pour de faux, du sang qui n’est que du liquide rouge. Quand ce sont de vrais méchants de la vraie vie, il les massacre, comme les nazis d’Inglourious Basterds et les esclavagistes de Django Unchained. L’amour du cinéma, pour Quentin Tarantino, c’est que la fiction vaut mieux que le réel. Et Once Upon a Time… in Hollywood en est la déclaration.
Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie… Etats-Unis, 2019. En compétition du 72e Festival de Cannes. Sortie le 14 août 2019.