Depuis La Promesse et Rosetta, Luc et Jean-Pierre Dardenne suivent à la trace de jeunes héros à l’allure ordinaire, de petits soldats qui, les pieds dans la glaise et la tête haute, bravent d’insondables tourments contre vents et marées. Leur gamin au vélo appartient à cette même famille de combattants. Abandonné par son père et désormais seul au monde, il traque, œil frondeur et débit haletant, l’attention de celle ou celui qui lui prêtera assistance. L’enfant, juché sur son vélo, traverse ainsi tout le film et lui offre sa cadence, entre heurts et fluidité, fougue et déséquilibre.
Luc et Jean-Pierre Dardenne posent sur lui leur lumineux regard et placent sa trajectoire au cœur d’un récit dépouillé de toute affèterie. Lui seul guidera leur attention et la nôtre, passant de main en main, d’un foyer qu’il fuira au salon de coiffure de celle qui lui ouvrira la porte (c’est Cécile de France, parfaite de minimalisme et de présence immédiate).
Rarement le dispositif des frères belges n’aura été aussi confiant en lui-même. Le Silence de Lorna, leur précédent film, consentait plus que jamais au narratif, et faisait des visages de ses comédiens le terrain de ce scénario en tension. Le frémissement constant de la caméra de Rosetta et du Fils laissait dès lors place à davantage de quiétude cinétique. Le Gamin au vélo trouve à cet égard le parfait équilibre entre vibration et sérénité. Sa discrète dynamique repose tout entière sur la foi manifeste qui traverse ce beau film d’amour : l’existence de la bonté. Plus qu’un constat, c’est un éloge. Mais qui jamais ne dit son nom.
Le Gamin au vélo de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier. Belgique, 2011. Grand Prix du Festival de Cannes 2011. Sortie le 18 mai 2011.