Avi, Kobi et Yaniv, trois copains vivant à Bat Yam, se sont autoproclamés surveillants du quartier. Et ils contrôlent tout. Les tenues jugées indécentes des jeunes femmes, le respect du sabbat, les Arabes de Jaffa qui débarquent avec leur voiture beuglant une musique tapageuse… Ce qui les unit : le respect des règles, les leçons un peu spéciales du rabbin, la musique électronique que compose Avi sur des paroles à la gloire de… Dieu. Des voyous fanatiques qui récitent en boucle les psaumes et injurient leurs voisins. Des religieux azimutés qui dictent la bonne conduite et terrorisent le quartier à coups de lattes. Autant de paradoxes troublants. On s’interroge. Déconcerté par l’abîme qui sépare leurs méfaits de leur foi. Et on ne comprend pas, jamais. D’ailleurs ce n’est pas le propos du réalisateur qui, croyant lui-même, trouve simplement indispensable d’y réfléchir, sans donner de réponses. Sans juger non plus. Une scène nous éclaire peut-être sur les motivations de ces jeunes à se jeter à corps perdu dans la religion : lorsque Avi, qui vient de rencontrer une jeune fille plus émancipée, dans un monologue poignant, face à la mer et avant d’y plonger, s’en remet entièrement à Dieu pour décider de sa conduite envers elle. Un Dieu tout-puissant dans ce monde où il ne semble pas y avoir d’autre repère. Et les seuls repères qu’Avi possédait (la complicité avec ses deux copains, les règles à respecter et à faire respecter, l’excitation et l’adrénaline provoquées par leur violence) vont s’ébranler en un seul regard, celui de Miri. La nouvelle venue dans le quartier qui est indignée par le comportement des trois voyous. Alors, Avi va s’interroger et changer. Il se fait moins cruel et devient même plus tolérant, ce qui ne plaît pas à ses deux comparses.
Une remise en question donc, un parcours initiatique qui pourrait n’être qu’un drame sur fond de fanatisme. Mais ce long-métrage est un jouissif mélange de genres. Le réalisateur s’amuse beaucoup avec les codes des films d’action qui ont nourri son enfance, multipliant les clins d’œil et poussant la violence à son paroxysme dans des scènes de bastons qui sentent la caricature. La comédie n’est jamais loin non plus dans cet univers de mecs à peine sortis de l’adolescence qui se charrient à longueur de journée. Des rires salvateurs pour le spectateur de ce microcosme à l’atmosphère étouffante. Une énergie incroyable parcourt ce premier film, à l’image du cinéma israélien depuis quelques années. Et un jeune réalisateur à suivre !
Les Voisins de Dieu de Meni Yaesh, avec Roy Assaf, Gal Friedman, Itzik Golan, Rotem Ziesman-Cohen… Israël, France, 2012. Prix SACD à la Semaine de la critique du 65e Festival de Cannes.
» Retrouvez tout notre dossier dédié au 65e Festival de Cannes