Derrière ce titre à rallonge se cache un film poétique et tendre. L’histoire d’un petit village au cœur du Brésil engourdi par le temps qui va se réveiller doucement à l’arrivée d’une jeune photographe.
Le début du film décline lentement plusieurs fois la même scène : Madalena, une vieille dame qui vit dans le souvenir de son défunt mari, pétrit et cuit le pain pour la boutique d’Antonio. Comme chaque jour, il lui dit qu’elle est têtue comme une mule (elle range les petits pains d’une certaine façon, tandis qu’il les retire aussitôt pour faire à sa façon). Malgré la rudesse apparente de l’homme, on ressent beaucoup de complicité et de tendresse entre eux. Comme chaque jour, ils s’assoient sur le banc devant la boutique pour boire le café et discuter. Puis, ils vont écouter le sermon du prêtre avant d’aller prendre le déjeuner avec les autres habitants du village. Le côté itératif crée une atmosphère étrange et mime avec grâce la langueur dans laquelle semblent être englués le village et ses habitants en bout de course. Le magnifique travail du directeur de la photographie, Lucio Bonelli, fait penser sans équivoque aux tableaux de Rembrandt ou du Caravage. C’est dans une semi-pénombre ou une lumière sans fard que tous les jours, les mêmes gestes, les mêmes mots, le quotidien se répètent à l’infini. Seule la mort peut briser cette mécanique parfaitement huilée. Mais le problème c’est que les vieux ne semblent pas pouvoir mourir : le cimetière est fermé, verrouillé depuis bien longtemps… Un mystère qui fait parfois basculer le film dans un réalisme fantastique.
La deuxième partie du film voit Rita, une jeune photographe, débarquer dans cet étrange endroit habité de vieilles personnes et irrévocablement coupé du monde. On ne sait pas pourquoi elle est là, elle semble perdue. Elle prend des clichés qui s’insèrent entre les séquences, donnant au film une dimension documentaire. En se fondant dans le paysage, elle tisse des liens avec les âmes du village. Escamotant l’écart entre les générations, Rita devient un pont entre le rêve et la réalité, la vie et la mort. Et le film d’interroger sur le rôle de la tradition, de la transmission et de la mémoire personnelle et collective.
Récompensé dans de nombreux festivals à travers le monde et premier long-métrage de fiction de la jeune réalisatrice brésilienne Julia Murat, Historias, les histoires n’existent que lorsque l’on s’en souvient, est un joli film enchanteur et sensible.
Historias, les histoires n’existent que lorsque l’on s’en souvient de Julia Murat, avec Sonia Guedes, Lisa Serra, Luiz Serra, Argentine, Brésil, France. Sortie le 18 juillet 2012.