Balkanisation. Si le terme désigne de nos jours la gestion de la commune de Levallois-Perret par son dévoué maire, il recouvre également la réalité géopolitique d’un morcellement, celui de l’ex-Yougoslavie. Et comme dans toutes brisures, la question de l’identité finit toujours par ressurgir.
Dès le générique et sa série d’images macrophotographiques de tatouages et de cicatrices de guerre, La Parade explore justement cette question de l’identité. Les êtres ont dans leur peau une position figée par un environnement traumatique majeur, lié à leur appartenance à une nation secouée. Tous portent ainsi des séquelles : Lemon, le héros, ancien soldat, s’est réfugié dans la sûreté de la virilité quand Radmilo, vétérinaire homosexuel, cherche à composer avec une particularité qui l’empêche de vivre à plein dans la société.
Aussi quand ces deux personnes se rencontrent par la plus fortuite des occurrences (un règlement de comptes canin en l’espèce), et que leurs deux partenaires respectifs leur posent des ultimatums insurmontables, leur dernière solution reste une alliance contre nature à une seule fin : organiser une gay-pride en plein Belgrade. En ce sens, La Parade obéit à une situation de comédie des plus classiques, même si certaines particularités du sujet (brûlant s’il en est) dépassent le simple canevas initial.
Bien sûr, certaines situations un peu trop conventionnelles demeurent, telle la relation de Lemon à son fils, skinhead et paumé (nécessairement), ou encore la première fois où Lemon et Radmilo, contraints par les circonstances, doivent dormir dans le même lit (avec forcément, pour l’hétérosexuel de la « paire », la crainte de découvrir de nouveaux horizons).
C’est pourtant un autre décalage que souligne le film : si dans la première partie se confrontent une Serbie archaïque pétrie d’intolérance et de machisme avec une minorité cherchant à vivre dans le confort et la sécurité normalement constitutives de l’Occident, la deuxième partie dépeint au contraire une autre façon de s’accepter l’un l’autre, via le parcours de Lemon et Radmilo. A la recherche d’anciens amis du guerrier, ils nous montrent à quel point les divisions politiques ou nationales sont peu de chose face à la solidarité inhérente. En témoigne cette scène poignante où un Croate et un Serbe exécutent une miction au bord de la route et se signent tous deux en même temps, mais dans le sens contraire, puisque l’un est catholique et l’autre orthodoxe.
La Parade fourmille ainsi d’idées illustrant à merveille son propos, à l’exemple de thèmes musicaux titillant nos mémoires par leurs relents de “Girls & Boys” de Blur ou de “One Step Beyond” de Madness, et hormis certains moments quelque peu boulevardiers, se tient dans une efficacité de choix.
Avec sa fin en signe d’apologue, La Parade s’inscrit paradoxalement dans un cinéma ultra-engagé, alors que les intentions premières n’étaient pas nécessairement lisibles sous cet angle lors du déroulement de la narration. Aussi, à l’heure où le débat sur les droits des homosexuels est devenu crucial en France, il pourrait servir de sujet d’étude autant que de divertissement. L’opportunité est là.
La Parade (Parada) de Srdjan Dragojevic, avec Nikola Kojo, Milos Samolov, Hristina Popovic… Serbie, 2012. Sortie le 16 janvier 2013.
Par rapport les critiques de “Positif” ( qui , je ne sais pas d’où sort les “montenegrins”) et de “Cahiers du cinéma” vous avez bien compris le sujet, c’est à dire, le film. Les parfums, les couleurs et les sons du film se répondent via lagunage qui est malheureusement , parfois, intraduisible. Il faut regarder ce film comme ” un cinéma ultra-engagé” car c’est la seule façon de profiter de ses qualités. Certes, ce n’est pas un film d’art et essai, mais, indispensable pour ceux qui souhaitent comprendre un peu mieux le baril de poudre balkanique et l’architecture mentale de gens qui l’habitent.
C’est un cinéma ultra-engagé, et certes pas un film d’art et d’essai, mais malgré les particularités historiques et géographiques, il touche à l’universalité, et c’est là sa principale réussite.