Contemplatif, pince-sans-rire, parfois scabreux ou hilarant, le film d’Alejandro Landes raconte l’histoire vécue d’un drôle de terroriste en chaise roulante.
Porfirio Ramirez, quinquagénaire colombien handicapé, gagne sa vie en louant à autrui des minutes sur son téléphone portable. Fonctionnant comme une cabine téléphonique, il se retrouve témoin des messages sur répondeur, des histoires intimes, des aveux, bavardages et ragots du village… Mais au fond, Porfirio s’en fout ; il préfère chanter des chansons, descendre les rues en chaise roulante comme un skateur, mater la télé, parfois coucher avec sa nourrice, lorsque son fils lui a changé ses couches. Car oui : Porfirio connaît quelques petits problèmes d’incontinence, et l’ensemble pourrait faire craindre de longues coulures de misérabilisme. Il n’en est rien. Bien au contraire, c’est intelligent, juste, délicat, souvent très poétique. D’une poésie un peu sale bien sûr, comme une sorte de Groland latino, entre Beckett et les Deschiens, sous le soleil de plomb d’une dictature militaire. Mais Porfirio est aussi et surtout une très belle œuvre graphique : à travers ses cadres, Alejandro Landes joue sur les détails, le hors-champ, la plasticité des formes, des couleurs, le grain d’une peau… C’est suggestif et pictural, sans jamais tomber dans l’esthétisme. Enfin, il y a cette histoire, aussi véritable qu’absurde : celle de Porfirio Ramirez (ici son propre interprète), condamné pour avoir tenté de détourner un avion à l’aide de grenades cachées dans sa culotte, pour que le gouvernement lui verse enfin ses aides sociales… On a rarement vu preneur d’otages aussi sympathique. Evoquant même parfois le fantôme de João César Monteiro, voilà donc un film et un homme qui méritent largement le détour.
Porfirio, d’Alejandro Landes. Colombie, Espagne, Uruguay, Argentine, France, 2011. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2011.