Gett, le procès de Viviane Amsalem, de Ronit et Shlomi Elkabetz

 

Présenté à la 46e Quinzaine des réalisateurs

Gett, le procès de Viviane Amsalem, de Ronit et Shlomi ElkabetzQui ?

Ronit et Shlomi Elkabetz, frère et sœur, ont chacun leur carrière : on a vu Ronit Elkabetz, actrice, chez Amos Gitaï, Keren Yedaya, et récompensée pour son premier rôle dans La Visite de la fanfare ; Shlomi Elkabetz, scénariste et réalisateur, a également arpenté les planches à New York. C’est pour raconter une histoire personnelle, celle de leur mère, qu’ils se rapprochent et coréalisent Prendre femme, Les Sept Jours, et aujourd’hui Gett, le procès de Viviane Amsalem. Une initiative remarquée par les Semaines de la critique de Venise et de Cannes.

Quoi ?

On retrouve dans Gett le personnage de Viviane, présent dans les trois films des Elkabetz. Chacun offre un point de vue sur l’histoire de cette femme, mère de quatre enfants, qui demande le divorce, interprétée par Ronit Elkabetz elle-même. Le rôle de son mari, Eliahou, est toujours tenu par l’impeccable Simon Abkarian. Des points de vue différents sur une même histoire plus que des suites, car chacun des films se situe à des époques différentes (1979 pour Prendre femme, 1991 pour Les Sept Jours). Et parce que chacune des institutions liées au divorce est passée au crible : le couple et les enfants dans le premier, la famille élargie dans le deuxième, la justice dans le troisième. Avec à chaque fois, le poids des traditions et un contexte politique (la venue d’Anouar El Sadate à la Knesset et la guerre du Golfe), reflétant les mutations de la société israélienne. L’histoire déclinée en trois films d’une femme en lutte pour sa liberté, et d’un pays, pris entre tradition et modernité.

Résultat des courses ?

Les frère-soeur Elkabetz poursuivent leur exploration de la condition des femmes en Israël, martelant avec force l’absurdité d’un système qui organise un procès – en fait un tribunal rabbinique qui s’apparente plus à de la médiation – dont l’une des parties a seule le pouvoir de rendre le verdict. Le divorce de Viviane ne sera prononcé que lorsque Elisha la répudiera. Dans ce huis clos, la noirceur du regard de Ronit Elkabetz répond aux murs blancs et neutres de la salle d’audience. De regards, justement, il n’est question que de ça. Au fil des témoignages, des reports d’audience incessants et interminables, on ne voit que ces regards. Ceux des amis et de la famille du couple, qui voudraient aider mais ne font qu’empirer les choses. Ceux des rabbins exaspérés par cette situation inextricable. Et surtout ceux que s’échangent les deux époux, implorant chacun l’autre de mettre fin à leur obstination. Celui de Ronit Elkabetz, tantôt dur, déterminé, désespéré, rageur. Celui de Simon Abkarian, sûr de lui, forcément confiant dans l’issue d’un procès dont il détient les clés. Ronit et Shlomi Elkabetz ont choisi de pointer l’absurdité de la situation par des scènes de comédie, lorsque par le témoignage de femmes mariées ou célibataires, on découvre le rôle qui leur est assigné. Ne pas dire un mot plus haut que l’autre, dans l’intérêt de la paix des ménages. Toujours veiller à l’image que l’on donne de son couple, et par là, de son mari. Par ruptures de ton, on passe du rire franc à l’émotion brute au fur et à mesure que la colère de Viviane monte, jusqu’à son explosion, expliquant que sa voix n’est pas entendue, que c’est elle qui est jugée, dans tous les aspects de sa vie, quand les réponses laconiques de son mari suffisent à convaincre. Viviane n’est qu’une femme qui demande sa liberté. Celle, simple, de ne plus vivre avec un homme, qui se transforme en parcours du combattant, avec ses soubresauts, ses déclarations enflammées, ses tentatives de conciliation, l’espoir toujours de l’issue favorable de la prochaine audience. Pour conquérir sa liberté, Viviane est prête à tout. C’est justement ce que lui demande Elisha. Abandonner sa vie pour la retrouver.

 
Le Procès de Viviane Amsalem de Ronit et Shlomi Elkabetz, avec Ronit Elkabetz, Menashe Noy, Simon Abkarian… France, Israël, Allemagne, 2013. Sortie le 25 juin 2014.