When Animals Dream, de Jonas Alexander Arnby

 

Femmes à poils

When Animals Dream, de Jonas Alexander ArnbyMarie et ses parents vivent dans un petit village de pêcheurs du Jutland accroché le long de la côte ouest du Danemark. Une famille qui fait l’objet de toutes les attentions, suscitant crainte et curiosité… Alors que son père se met en quatre pour ne pas faire de vagues et dissimuler la mystérieuse maladie de son épouse, contrainte à rester scotcher sur son fauteuil roulant, mutique, Marie, au contraire, compte bien trouver sa place au sein de cette communauté aux mœurs rigides (on est en plein fief protestant). La jeune fille, visage d’ange, beauté diaphane, ne passe pas inaperçue. Notamment auprès des spécimens masculins. Et elle-même ne reste d’ailleurs pas insensible à certains regards. Et alors que Marie croit pouvoir atteindre une certaine “normalité”, elle se met à développer les mêmes symptômes que sa mère et serait alors condamnée à subir le même sort. Piqûres de sédatifs pour ne pas devenir ce qu’elle est, apathie, regard vide. Une perspective qu’elle refuse rageusement. Mais alors que les stigmates de sa “différence” s’affirment chaque jour un peu plus, Marie sent croître l’animosité des villageois à son égard…

When Animals Dream, c’est d’abord le portrait de deux femmes, d’une mère et de sa fille s’évertuant à se libérer d’un carcan qu’elles refusent. Celui d’un surmoi castrateur mis à mal par le moi de plus en plus pressant d’une adolescente confrontée à l’acceptation de son corps, de ses instincts, de sa sexualité. Un film également sur la crainte que suscitent bien souvent les femmes de pouvoir qui, au-delà de simplement s’assumer, revendiquent leur identité, leur parcours, leurs origines, face aux regards des autres, prisonniers de leur pré carré moraliste et de leur pieuse culpabilité. When Animals Dream est un film non pas “de” loups garous mais “avec” des loups garous. La lycanthropie, comme le vampirisme dans le Morse de Tomas Alfredson, ne sert que de prétexte allégorique à une réflexion autrement plus subtile que le déchaînements de séquences ensanglantées (c’est bien aussi, mais ce n’est pas le propos ici). Ce premier long-métrage de Jonas Alexander Arnby partage d’ailleurs beaucoup plus avec le chef d’œuvre d’Alfredson. Il en a l’esthétique naturaliste, épurée et la luminosité brumeuse. La mise en scène sèche, la retenue élégante et la finesse des personnages. La même volonté de proposer une variation inédite autour d’un cinéma de genre multi-référencé. Un premier coup 100% gagnant pour ce Arnby dont on surveillera désormais les moindres faits et gestes.

When Animals Dream, de Jonas Alexander Arnby, avec Sonia Suhl, Lars Mikkelsen, Sonja Richter… Danemark, 2014. Présenté à la 53e Semaine de la critique.

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