Il a bercé notre enfance, même si on l’a parfois oublié, mais Tomi Ungerer n’est pas seulement cet enchanteur poétique de L’Ecole des loisirs. A découvrir dans Tomi Ungerer, l’esprit frappeur, et à revoir dans l’adaptation de Jean de la Lune.
Tomi Ungerer, auteur de classiques de la littérature jeunesse, a bercé notre enfance, avec ses ogres, ses serpents et ses brigands. Des brigands déjà adaptés avec talent au cinéma en 2007 par l’Allemand Hayo Freitag. Le réalisateur expliquait alors que Tomi Ungerer avait été difficile à convaincre, tant il n’aime pas son travail ancien. Le dessinateur polyglotte l’explique avec infini détail dans le documentaire qui lui est consacré, en salle depuis le 19 décembre, Tomi Ungerer, l’esprit frappeur. Un documentaire fin et intelligent, où le dessinateur s’ouvre sur toutes les facettes de son travail et de sa vie : jeune Alsacien sous le joug allemand pendant la guerre puis sous le joug français de l’après-guerre, ou jeune homme profitant du parfum de liberté new-yorkais des années 1960. Tomi Ungerer raconte. Comme il le faisait dans ses livres. Avec une liberté de ton, une bonne dose d’humour et une certaine émotion. Alors que sur l’écran, ses dessins prennent vie avec une animation plutôt enjouée, il explique ses influences et ses ambitions. Et on comprend pourquoi avec lui, la littérature enfantine est drôle et intelligente. On comprend et on découvre aussi. Qu’il a signé des affiches politiques. Qu’il a exposé des dessins érotiques. Ce qui lui a valu d’être banni des bibliothèques américaines, pas fans du mélange des genres. C’est pourtant ce qui fait son sel. Cette manière de mettre de l’humour dans le politique, de l’intelligence dans l’enfance, et de la poésie dans l’érotisme. Dans ce documentaire, celui qui avait signé des dessins enfouis dans l’inconscient de nos mémoires d’enfants de cinq ans devient un artiste complet. Dessinateur et sculpteur, conteur militant, homme épicurien. A plus de 80 ans, il garde cet œil vif, qui peut parfois se voiler avec émotion, et cette envie de défendre son identité bringuebalée. L’esprit frappeur de Tomi Ungerer n’a pas fini de nous hanter.
C’est malheureusement moins le cas de l’adaptation de Jean de la Lune par Stephan Schesch, producteur des Trois Brigands, passé réalisateur pour l’occasion. Si l’on retrouve les thèmes chers à Tomi Ungerer (l’innocence perdue, la tyrannie et la soumission au pouvoir, l’importance du regard de l’enfant) et quelques aphorismes typiques (“Tout le monde sait d’où viennent les bébés, mais d’où viennent les adultes ?”), la magie n’opère pas totalement. D’abord parce que l’animation, en 2D, est un peu vieillotte. Sans relief, au propre comme au figuré. Ensuite parce que les éléments de modernité rajoutés ça et là (comme un smartphone) jurent avec l’ambiance générale, clairement ancrée dans les années 1960 avec ce côté un peu psychédélique : un noir profond en contraste avec des couleurs vives, le blanc immaculé de Jean de la Lune, cet ode à la nature quasi rousseauiste. Dommage que la profondeur du propos ne se retrouve pas à l’image.
Tomi Ungerer, l’esprit frappeur de Brad Bernstein, avec Tomi Ungerer, Maurice Sendak, Jules Feiffer… Sortie le 19 décembre 2012.
Jean de la Lune de Stephan Schesch, avec Tomi Ungerer, Katharina Thalbach, Michel Dodane, Jean-Yves Chatelais… Sortie 19 décembre 2012.