General Idea au musée d’Art moderne de Paris

 

Caniches excentriques

L'affiche de General Idea Impossible de rater l’affiche dans le métro ! Trois hommes, selon toute apparence déguisés en caniches, portent leur regard cerné de noir dans des directions qu’eux seuls voient. Perplexité. Curiosité. Me voici devant les portes du musée d’Art moderne de Paris.

La rétrospective du collectif General Idea, la première mondiale d’une telle ampleur, a lieu 17 ans après la mort, en 1994, de deux membres du trio d’artistes plasticiens canadiens, Felix Partz et Jorge Zontal. Le troisième, AA Bronson, a depuis cessé de créer. Une mort diffuse dans cette exposition aux allures d’hommage et de deuil, via le thème récurrent du sida décliné, dénoncé, détourné, martelé. D’entrée de jeu, à l’extérieur du bâtiment, une statue monumentale reprend le célèbre logo LOVE créé en 1964 par Robert Indiana, artiste américain associé au pop art. L’icône est réappropriée avec les lettres AIDS, du nom de cette nouvelle maladie assassine qui aura ravagé les années 1980. Même placée sous le signe de cette mort médicamentée, l’exposition n’en demeure pas moins vive, aussi bien sur le plan des couleurs que des idées, pleines d’humour et d’inventivité. A vrai dire, s’il ne fallait choisir qu’un mot… Excentrique.

Le projet s’articule autour de la création d’un pavillon destiné à leur muse, miss General Idea (l’idée était de trouver le nom le plus vague qui soit). Parce que la réalité est décevante, ils décident de créer une fiction qui, en devenant réalité, rendra le monde meilleur… Leur univers est bâti de signes, d’un alphabet personnel qui se décline tout au long des vingt-cinq ans de création. Le visiteur est accueilli par une ribambelle de blasons accrochés à l’entrée de l’exposition qui les présentent. Parmi eux : le caniche, métaphore de l’artiste glamour et starisé (intuition de ce qu’allait devenir le monde de l’art). Identification. La main de l’esprit, souvent représentée par une chaussure à talon aiguille, synonyme d’inspiration. Le plateau, palette du peintre surmontée de verres à cocktails renvoie à un sens figuré (idée, inspiration) et propre (mélange, médicaments, potions, drogues, alcool). On trouve beaucoup la forme du ziggurat, modèle de pyramide mésopotamienne qui renvoie à l’idée de construction et donc à l’oeuvre elle-même, tout entière dédiée à la construction d’un pavillon pour miss General Idea… Vous suivez, n’est-ce pas ? Construction qui repose sur la déconstruction d’icônes vues comme les piliers creux d’une société propagandiste.

Entre détournements d’images, notamment publicitaires (Nazi Milk, 1979-1990), recomposition de l’univers marchand (création d’une boutique d’objets dérivés au sein même de l’exposition, destinée au musée du pavillon de miss General Idea) et réappropriations iconographiques des marques (un magnifique détail du logo Marlboro, repris en nouilles invite à nous pencher sur l’idée que même si la marque n’est pas écrite, nous la reconnaissons instantanément, ce qui montre à quel point les marques structurent notre imaginaire (bon, la technique « à la nouille » parle d’elle-même), et l’exposition retrace l’épopée de la construction du pavillon en jouant essentiellement sur la remise en cause des standards. Un projet suffisamment fou pour être complètement plébiscité par ma petite personne et qui naît de l’intuition avant-gardiste que les images, comme les virus, circulent à visage caché. Ce qui me fait penser à cette phrase clairvoyante : « Les choses ne disent pas leur nom d’elles-mêmes et il faut à chaque fois les rebaptiser pour les décrire. Si les choses veulent dire quelque chose, elles ne disent pas la chose qu’elles sont », nous dit clairement Jean Clair.

 
General Idea, au musée d’Art moderne de la ville de Paris du 11 février au 30 avril 2011.

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