En lice pour la Palme d’or 2013
En attendant l’ouverture officielle du 66e Festival de Cannes ce 15 mai 2013 avec la projection de Gatsby le magnifique, voici déjà un avant-goût des films en compétition : du biopic musical avec Inside Llewyn Davis et Ma vie avec Liberace, du drame sur fond d’activités mafieuses avec Grigris, Heli, The Immigrant, ou familial avec Tel père, tel fils et Un château en Italie, du polar pur avec Shield of Straw et Only God Forgives, du road-movie avec Nebraska… Voici donc les vingt prétendants à la Palme d’or. Un dossier préparé par les équipes de Grand Écart et de Bande à Part qui, cette année, associent leurs forces vives pour couvrir l’événement.
Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen
Qui ?
Des frères Lumière qui avaient allumé la mèche à la mythologie technologique d’Andy et Lana Wachowski, les réalisateurs bicéphales jalonnent l’histoire du cinéma. Ethan et Joel Coen occupent une place de premier ordre parmi ces fratries du septième art. Ethan, le petit à lunettes. Joel, le grand chevelu. De comédies (The Big Lebowski) en thrillers (Fargo, No Country for Old Men), de films noirs (The Barber) en westerns (True Grit). Autant de genres explorés pour évoquer une Amérique profonde, populaire, bavarde, violente et absurde, peuplée de losers attachants, d’escrocs médiocres, de vilains garçons hystériques, de serial et autres ladykillers.
Quoi ?
Ce sera leur huitième compétition cannoise. Ethan et Joel Coen y présenteront Inside Llewyn Davis. Un portrait du Village new-yorkais des années 1960, à travers le parcours de l’une de ses figures emblématiques, le musicien folk Dave Van Ronk. Dave Van Ronk, c’est celui qui a appris à Bob Dylan à jouer de la guitare. Devant la caméra, le méconnu Oscar Isaac (vu dans Che de Soderbergh), associé à Carey Mulligan, également à l’affiche de Gatsby le magnifique, avec DiCaprio. L’enjeu du film ? Au-delà de l’attente que suscite chaque nouvelle réalisation des frères Coen, peut-être tient-on là l’une des révélations de ce 66e festival.
Grigris de Mahamat-Saleh Haroun
Qui ?
Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur tchadien primé à Cannes en 2010 pour son film Un homme qui crie. Comme dans ses précédentes œuvres (Abouna ou Daratt), le cinéaste y chroniquait un Tchad dévasté par la guerre. Depuis son premier long Bye Bye Africa (1999), Haroun s’interroge également sur la place du septième art en Afrique. En 2011, il faisait partie du jury cannois présidé par Robert De Niro.
Quoi ?
L’histoire de Grigris, 25 ans, une jambe paralysée, qui se rêve danseur. Un songe compromis lorsque son oncle tombe malade et que pour le sauver, le jeune homme décide de travailler pour des trafiquants d’essence… Sans parler de discrimination positive dans un festival qui n’a pas encore mis en place la parité : souhaitons que le film décroche les étoiles et si possible la Palme.
Heli de Amat Escalante
Qui ?
1979. Amat Escalante entame sa carrière… d’être humain. 34 ans et deux longs-métrages plus tard, le jeune réalisateur mexicain a déjà développé son propre langage cinématographique. Avec Sangre, d’abord (2005), le cinéaste filme le cloisonnement d’un couple dans la routine et l’ennui. Trois ans plus tard, avec Los Bastardos, il suit le destin d’un wetback, un de ces émigrés mexicains entrés clandestinement aux Etats-Unis. Deux films différents mais finalement très proches, où l’on retrouve cet intérêt pour les crève-la-faim. Ce désir de renvoyer au visage une brutalité crue. C’est éprouvant pour les yeux, les oreilles et le corps tout entier. Mais toujours brillant.
Quoi ?
Ses deux premiers films avaient déjà eu les honneurs de la sélection officielle Un Certain Regard. Escalante gravit les marches et intègre cette année le cercle de la compétition pour présenter Heli. Une synthèse de ses deux précédents films, annonce-t-il. Nous plongerons dans la ville ouvrière de Guanajuato pour suivre l’errance d’un fils, parti en quête d’un père mystérieusement disparu. Entre cartels mafieux, réseaux de prostitution et trafics de drogue. On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.
La Vénus à la fourrure de Roman Polanski
Qui ?
Cul-de-sac, Le Bal des vampires, Rosemary’s Baby, Chinatown, Tess, Pirates, Le Pianiste… Près d’un demi-siècle de cinéma s’est écoulé depuis le premier long-métrage de Roman Polanski, Le Couteau dans l’eau (1962). On a beaucoup ri de ces histoires de vampires. On n’a plus jamais laissé un octogénaire approcher de la poussette à moins de dix mètres. On est tombés sous le charme des fanfaronnades de ce détective privé au nez pansé. On a prétendu être enrhumés devant le destin tragique de cette jeune paysanne sous l’ère victorienne. Et on n’écoutera plus jamais la Nocturne posthume de Chopin de la même façon. Voilà sans doute quelques-uns des stigmates laissés en chacun de nous par l’œuvre de Polanski.
Quoi ?
Quatorze ans que le cinéaste n’avait pas dirigé sa femme, Emmanuelle Seigner, qui sera à l’affiche de son nouveau film La Vénus à la fourrure, aux côtés de Mathieu Amalric (heureux remplaçant de Louis Garrel). Un troublant face-à-face en huis clos adapté d’une pièce de David Ives, elle-même inspirée du roman du sulfureux Leopold von Sacher-Masoch. Vanda, une actrice impétueuse, tente de convaincre Thomas, homme de théâtre, qu’elle est faite pour incarner le rôle principal de la pièce érotique qu’il s’apprête à mettre en scène… La Vénus à la fourrure. Un jeu de répulsion-séduction qui tournera à l’obsession.
Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh
Qui ?
Steven Soderbergh a toujours louvoyé entre une veine audacieuse et une autre bien plus attendue. Ainsi d’un côté trouve-t-on des fulgurances comme le sophistiqué Schizopolis, la ligne narrative déconstruite de Traffic ou son lent psychodrame méditatif Solaris. Et de l’autre, des œuvres à gros budget plus traditionnelles : Hors d’atteinte, Erin Brockovich, la trilogie Ocean’s, son diptyque Che et Contagion. C’est dans cette alternance entre un cinéma populaire et un autre plus confidentiel que Soderbergh s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus doués de sa génération.
Quoi ?
Steven Soderbergh descendra sur la Croisette défendre ce qu’il a annoncé être son dernier film avant de tirer sa révérence. Ma vie avec Liberace évoquera le destin de ce pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés des années 1950-1970. Plus précisément, ce biopic reviendra sur la liaison discrète et secrète que Liberace entretint avec le jeune Scott Thorson. Matt Damon prêtera ses traits au bel éphèbe. Michael Douglas sera Liberace. Un duo improbable pour un film qui s’annonce déjà comme la touche extravagante de la compétition.
La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino
Qui ?
A l’exception de son premier long-métrage, L’Homme en plus, le Napolitain a toujours été de la partie dans la compétition du Festival. Ca commençait en 2004 avec Les Conséquences de l’amour. Suivait L’Ami de la famille, comédie baroque, très fellinienne. Et Il Divo, portrait génial du Pape noir Giulio Andreotti, d’être récompensé du prix du Jury en 2008. Son trip US This Must be the Place, présenté en 2011, était un road-movie gothico-tragicomique avec Sean Penn et Frances McDormand. Encore trop méconnu, Paolo Sorrentino fait pourtant partie des têtes de file d’un cinéma italien ressuscité et réjouissant.
Quoi ?
Le chouchou de Thierry Frémaux sera encore de la partie cette année. Après sa virée américaine, le réalisateur napolitain revient en Italie, à Rome pour tourner La Grande Bellezza. Un retour aux sources, au doux parfum de Dolce Vita, avec son ami Toni Servillo. Il incarnera Jep Gambardella, 65 ans. Auteur dans sa jeunesse d’un seul roman, il n’a plus rien écrit depuis. Il est devenu un très grand journaliste qui fréquente la haute société romaine et les mondanités. Il assiste à la crise d’une société qui semble avoir transformé les hommes en monstres. Seul le souvenir de l’amour innocent de sa jeunesse le sortira de la résignation… Serait-ce la bonne pour le réalisateur italien ?
Shield of Straw de Takashi Miike
Qui ?
Takashi Miike est déroutant : il enchaîne les projets plus vite qu’ils sortent au cinéma, avec plus ou moins de succès. De la comédie poétique (Bird People in China) ou musicale (le récent Ai to Makoto, présenté à Cannes l’année dernière) au film d’horreur (Audition, chef-d’œuvre du genre) en passant par le film de samouraï (Hara-kiri : mort d’un samouraï) ou de yakuzas (Gozu), Miike est un touche-à-tout dont le goût pour l’étrange pourrait résumer l’œuvre (la trilogie Dead or Alive servant de jolie porte d’entrée de son univers loufoque et hyperviolent).
Quoi ?
Grâce à Shield of Straw, dont on n’a encore vu que quelques images, le cinéaste japonais semble renouer avec un genre qu’il avait mis de côté ces dernières années : le film noir. Dans la lignée du superbe Rainy Dog, réalisé il y a quinze ans, Shield of Straw est un polar urbain et sanglant au point de départ sans concession : un milliardaire japonais met à prix la tête de l’assassin présumé de sa petite-fille. Arrêté, la police va devoir escorter le suspect, et le protéger des dizaines d’ennemis qui veulent empocher la récompense. Ultraviolent et sur le mode de la loi du talion, Shield of Straw a quelque chose de J’ai rencontré le diable, réalisé par son voisin coréen Kim Jee-woon en 2010.
Tel père, tel fils de Kore-Eda Hirokazu
Qui ?
Kore-Eda est un réalisateur sérieux. Même lorsqu’il donne à ses films des airs de comédie (la fable sociétale Air Doll ou le post-mortem After Life), c’est pour en dire long sur la vie, la mort et les relations humaines. Digne héritier de Yasujiro Ozu, nul mieux que lui ne sait saisir le quotidien d’une famille, le malaise qui s’installe ou la fierté poliment cachée. Comme Ozu, Kore-Eda filme la maison et surtout les repas, mieux que personne.
Quoi ?
Gageons qu’avec Tel père, tel fils, le cinéaste japonais devrait réussir, encore une fois, à filmer la maison et les repas qui s’y tiennent. L’histoire d’un père qui élève son fils de 6 ans et qui découvre que suite à un échange de bébés à l’hôpital, celui-ci n’est pas son véritable fils.. Comme dans Nobody Knows et son pendant plus léger I Wish, Kore-Eda s’intéresse encore à ce passage où l’enfant apprend à grandir quand les adultes s’en fichent. On va probablement pleurer, mais c’est bien ce qu’on aime.
A Touch of Sin de Jia Zhang-ke
Qui ?
Still Life, 24 City, I Wish I Knew : à travers le destin de quelques poignées de Chinois, Jia Zhang-ke décrypte le passé pour mieux comprendre le présent. Plus subtil que son compatriote Lou Ye, Jia Zhang-ke n’en est pas moins engagé. Ses personnages relatent une vie de misère sans pointer du doigt les pouvoirs politiques, sans remettre explicitement en cause les fondations chinoises. Mais le résultat est bien là, aussi (plus ?) fort que s’il relatait encore et toujours les mêmes exactions de l’Empire du Milieu : Tian’an Men, le Tibet, la censure omniprésente.
Quoi ?
On sait peu de choses de A Touch of Sin, si ce n’est qu’il s’agit d’une œuvre en quatre histoires et que le cinéaste s’intéresse encore aux mutations de son pays et à ses laissés-pour-compte. Déjà présent à Cannes pour 24 City et I Wish, I Knew, ce cru 2013 auréolé de mystère pourrait-il annoncer la consécration de Jia Zhang-ke ?
Nebraska de Alexander Payne
Qui ?
Auréolé du succès de The Descendants en 2012, avec George Clooney en père de famille touchant, Alexander Payne est devenu un réalisateur à suivre. Pourtant, il l’était déjà avant, lorsqu’il réalise en 2004 Sideways, génial road-movie sentimental sur fond de route des vins californiens.
Quoi ?
Nebraska renoue d’ailleurs avec le road-movie : comme son nom l’indique, l’histoire se déroule dans le Nebraska, que Woody et son fils David traversent pour toucher un prix. Avec ses airs d’Une histoire vraie de David Lynch et sa touche burlesque et personnelle (Payne est né au Nebraska), Nebraska pourrait bien trancher avec une sélection cannoise sérieuse et sombre.
Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) de Arnaud Desplechin
Qui ?
Arnaud Desplechin, ou l’incarnation de la « nouvelle nouvelle vague », connaît bien Cannes pour y avoir présenté Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) et Un conte de Noël, notamment. Depuis La Sentinelle, l’ancien diplômé de l’IDHEC s’est forgé une place à part, jouant des styles (documentaire avec le diptyque La Compagnie des hommes ou L’Aimée, drame en anglais avec Esther Kahn…), et des thèmes (guerre, psychanalyse, famille). Avec le succès critique de Rois et Reine, le garçon a atteint un pic qualitatif indiscutable et poursuit sur cette lancée.
Quoi ?
La carrière de Desplechin est indissociable de Mathieu Amalric, un autre cinéaste transformé en interprète par les bons soins de son ami. Et le tandem se retrouve là encore pour Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines), dans un nouveau décor, les Etats-Unis. Adapté du livre éponyme de Georges Devereux, pape de l’ethnopsychanalyse, le métrage relate la cure analytique de Jimmy Picard (Benicio Del Toro), Indien de la tribu des Pieds-Noirs victime d’un trauma de guerre, auprès d’un ethnologue exilé. L’approche des méandres de la psyché humaine accompagne la trajectoire d’un homme à la carrure d’un héros de western. Desplechin sur le sentier de la guerre, avec Amalric en cow-boy de l’inconscient et Del Toro en Peau-Rouge à mécanisme de défense, c’est peu dire que le tomahawk nous tarde d’être déterré.
Borgman de Alex Van Warmerdam
Qui ?
Scénariste, réalisateur, peintre et romancier, Alex Van Warmerdam a de multiples cordes à son arc. Considéré comme l’un des grands du cinéma néerlandais, il se démarque par ses comédies noires portées sur le cynisme et les cas cliniques. Son long-métrage le plus remarqué reste Les Habitants (1992), où la vie maussade des résidents d’un lotissement perdu dans le nord de l’Europe était présentée de façon fort cocasse. Entre un enfant fasciné par la guerre civile au Congo qui se déguise en noir et un garde-chasse myope et stérile, l’univers de ces protagonistes était aussi drôle que grave. En 1998, il était déjà passé par la case Cannes avec Le P’tit Tony en sélection Un Certain Regard.
Quoi ?
Présenté en sélection officielle du Festival, Borgman s’inscrit dans la lignée de ses réalisations précédentes, où l’obscur le dispute au comique. Le nom du protagoniste principal interprété par Jan Bijvoet donne son titre au film. Camille Borgman, clochard à l’allure hallucinée, se rend dans une humble demeure bourgeoise afin de mener la vie dure au couple résident. Le réalisateur présente son film comme un thriller à la fois effrayant et drôlement sombre. Côté coulisses, il a fait appel à des contributeurs privés pour boucler son budget. Les heureux donateurs se sont vu remettre en contrepartie une reproduction en série limitée de l’une de ses toiles. Si le film repartait avec une Palme en poche, ce serait une première. Jamais les Pays-Bas n’ont remporté la récompense suprême.
Le Passé de Asghar Farhadi
Qui ?
Asghar Farhadi est un cinéaste bardé de prix. Depuis son deuxième film Les Enfants de Belle Ville en 2004, les récompenses pleuvent en Europe et aux Etats-Unis, où Asghar est davantage apprécié que dans son propre pays. Normal, puisque sans attaquer de front le pouvoir en place, le réalisateur iranien dissèque les mécanismes de la société, minutieusement, à la manière d’un entomologiste.
Quoi ?
Fasciné par les relations humaines et après Une séparation, Ours d’or à Berlin en 2011, Asghar Farhadi explore encore les liens du mariage dans Le Passé, sélectionné en compétition du 66e Festival de Cannes. Bérénice Bejo et Tahar Rahim se partagent l’affiche de cette histoire de lourd secret enfoui profondément pour mieux ressurgir. La France figurant parmi les plus ardents défenseurs du cinéaste, quoi de plus naturel, en somme, de tourner son film dans le pays de Michel Polnareff ?
The Immigrant de James Gray
Qui ?
Habitué désormais de la Croisette (il présenta ses trois derniers films, The Yards, La nuit nous appartient et Two Lovers en compétition ; il fut membre du jury présidé par Isabelle Huppert en 2009), l’Américain James Gray revient avec ce cinquième long-métrage et la flatteuse réputation qui le précède.
Quoi ?
D’abord titré Low Life, puis The Nightingale, The Immigrant affiche une ambition nouvelle de la part du cinéaste new-yorkais : il s’agit là de son premier film en costumes, de sa première production en studio, de son premier récit raconté d’un point de vue féminin et de sa première collaboration avec le chef-opérateur Darius Khondji (qui tourne ici en pellicule).
Il est question du destin tourmenté d’Ewa, une jeune immigrée d’origine polonaise (Marion Cotillard, dans son premier rôle d’envergure outre-Atlantique) arrivée sur le sol américain dans les années 1920. Afin de sauver sa sœur malade, retenue en quarantaine à Ellis Island, elle devra se prostituer et subir les tourments des bas-fonds du Lower East Side, sous l’égide d’un tenancier-imprésario redoutable (Joaquin Phoenix, fidèle interprète de Gray).
Après trois polars au classicisme impur et un drame romantique hanté, comment James Gray, cinéaste de la désillusion, appréhende-t-il ce récit partiellement nourri de la trajectoire de ses ancêtres russes, immigrants eux aussi ? Quelle part émotionnelle ? Quelle ampleur ?
Un château en Italie, de Valeria Bruni Tedeschi
Qui ?
Valeria Bruni Tedeschi, l’actrice (croisée chez Patrice Chéreau, Laurence Ferreira Barbosa, Noémie Lvovsky, Claire Denis ou chez Steven Spielberg dans Munich), s’est révélée auteur véritable en deux longs-métrages : Il est plus facile pour un chameau… (prix Louis Delluc 2003) et Actrices (2007). Elle fait, avec Un château en Italie, sa première apparition cannoise en tant que réalisatrice et sera la seule femme à la tête d’un film en compétition. Valeria Bruni Tedeschi en cosigne le scénario avec sa complice Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy. Beau casting : à ses côtés, Louis Garrel, André Wilms, Marie Rivière, Xavier Beauvois, Céline Sallette.
Quoi ?
Valeria Bruni Tedeschi creuse le sillon familial qui faisait le lit tragicomique de son premier long-métrage : il est la question du destin d’une grande famille issue de la bourgeoisie industrielle italienne, de son lot de personnages en rupture, d’une rencontre amoureuse, de rêves résurgents. Le cinéma de Bruni Tedeschi, éminemment personnel, trouve ses vibrations dans les entre-deux, la blessure et le burlesque ; le tragique y est toujours twisté et distille, au passage, son énergie vitale drôle et émouvante.
La Vie d’Adèle de Abdellatif Kechiche
Qui ?
Abdellatif Kechiche, habitué des prix et, étrangement pour un auteur français, du Festival de Venise, est pour la première fois en compétition à Cannes. Adèle Exarchopoulos – dont c’est là le premier rôle conséquent – et Léa Seydoux – chevelure bleutée pour l’occasion – forment le couple phare de cette histoire d’amour entre adolescentes.
Quoi ?
Il y a encore quelques semaines, le film adoptait le même titre que la bande dessinée qu’il adapte : Le bleu est une couleur chaude. Une œuvre de Julie Maroh qui met en scène l’histoire d’amour dévorante d’une jeune fille de 15 ans avec une jeune femme aux cheveux bleus, Emma. Une passion qu’il explore dans ses moindres recoins. Entièrement tourné dans le nord de la France, le film de Kechiche faisait partie des candidats attendus dans la course à la Palme d’or. Malgré la réputation difficile du cinéaste, il semblerait que sa façon de mettre sous pression ses acteurs et actrices, ait fait des merveilles une fois encore. Léa Seydoux, l’une des petites Françaises préférées d’Hollywood, pourrait bien faire sensation sur le tapis rouge, et pourquoi pas dans le palmarès.
Michael Kohlhaas de Arnaud Des Pallières
Qui ?
Assez peu connu du grand public, Arnaud Des Pallières poursuit depuis 1997 une carrière exigeante entre fictions et documentaires : Drancy Avenir traitait de l’extermination des Juifs d’Europe, Adieu posait la question de la réception des étrangers en France. En 2006, Des Pallières se livre davantage en signant Parc. Cette œuvre sensuelle avec Jean-Marc Barr et Sergi Lopez, centrée sur un adolescent apathique dans une communauté aisée du sud de la France, évoquait le cinéma de Gus Van Sant. Diane Wellington (2010) et Poussières d’Amériques (2011) sont des montages d’images d’archives qui retracent les destins d’anonymes et dressent un portrait bouleversant des Etats-Unis.
Quoi ?
Souvent imprévisible, le cinéaste est pour la première fois en compétition à Cannes avec Michael Kohlhaas, inspiré de l’auteur allemand Heinrich von Kleist. Cette plongée dans les Cévennes au XVIe siècle, où un marchand de chevaux devient l’emblème d’une révolte meurtrière face à l’injustice d’un Seigneur, devra certainement être décodée à l’aune de notre époque au climat social si bouillant. Habitué de la montée des marches et des rôles paranoïdes (La Chasse de Thomas Vinterberg lui valut, l’an passé, le prix d’Interprétation masculine), Mads Mikkelsen tient le rôle principal de ce film prometteur.
Jeune & jolie de François Ozon
Qui ?
François Ozon s’est-il un jour lancé le défi de parvenir à une filmographie aussi étendue que celle d’un Rainer Werner Fassbinder ? Visiblement fixée au rythme d’un film par an et pleine de contrastes, cette dernière compte 18 courts-métrages réalisés en 10 ans, suivis de 16 longs en à peine 15 ans. Un record, d’autant que François Ozon est le cinéaste français qui s’exporte le mieux à l’étranger, se baladant de festival en festival où il est ardemment attendu. Son secret ? Un équilibre des moyens financiers de production ainsi qu’un impact indéniable sur le grand public.
Quoi ?
Jeune & jolie dresse le portrait d’une jeune fille de 17 ans en quatre saisons et quatre chansons. Après Swimming Pool en 2003, c’est la deuxième sélection en compétition de François Ozon. On se réjouit de retrouver la délicatesse de son regard posé sur ses actrices, ici sur sa jeune découverte, Marine Vacth, mais aussi sur Géraldine Pailhas qu’il retrouve après 5×2 et son égérie Charlotte Rampling (Sous le sable, Swimming Pool et Angel). Ce film affiche également sa huitième collaboration avec son compositeur attitré, Philippe Rombi.
Only God Forgives de Nicolas Winding Refn
Qui ?
Le réalisateur danois Nicolas Winding Refn retrouve l’acteur canadien Ryan Gosling et le ramène sur la Croisette et dans la compétition officielle, deux ans après le fulgurant Drive, polar nocturne lauréat du prix de la Mise en scène. Only God Forgives est le neuvième film de l’auteur de la trilogie Pusher.
Quoi ?
Ce sera un film de boxeur. Un film qui monte sur le ring, un film qui cogne comme Refn, qui frappe ses coups d’un cinéma à l’instinct, à l’intuition, qui tourne sans notes, sans plan, sans storyboard. Avec le sens du combat. Only God Forgives est nocturne encore, avec au centre, un Ryan Gosling taciturne et laconique. Il est Julian, jeune gangster américain en fuite et en exil à Bangkok : dans la mégapole thaïlandaise, il a trouvé refuge dans les bas-fonds interlopes. Il dirige un club de boxe thaï, qui sert de couverture pour son trafic de drogue. Une vilaine affaire assassine son frère, qu’il faut venger. Dévastée et abusive, sa mère, une Kristin Scott Thomas blonde et terrifiante, l’exige, au prix du sang. On frappe, on tue. Gosling trouve sur son chemin vers la rédemption un flic maléfique, cruel, véreux. Il esquive, prend des coups, encaisse. Les comptes se règlent comme des calculs meurtriers. Il marche avec la mort.
Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch
Qui ?
Emblème du cinéma indépendant new-yorkais, Jim Jarmusch, ses décadrages, son à-propos hype, ses personnages typés, ne sont plus à présenter. Depuis Down by Law, le cinéaste s’est constitué un réseau de fans autour du monde et particulièrement dans l’Hexagone, resté sensible à sa patte. Lauréat d’un Grand Prix à Cannes en 2005 pour Broken Flowers, Jarmusch avait été révélé par la Croisette en gagnant la Caméra d’or avec Stranger than Paradise en 1983.
Quoi ?
Trente ans de fidélité à Cannes à nouveau récompensés : Only Lovers Left Alive a été annoncé en complément de sélection, à quelques jours de l’ouverture du Festival. Une aura de mystère plane donc sur un métrage à la thématique inédite, puisque Jarmusch y explore pour la première fois le genre fantastique et le vampirisme, même si le synopsis évoque plutôt le mélodrame. Adam (Tom Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton) sont deux vampires en couple depuis des siècles. Ava (Mia Wasikowska) va s’inscruster dans ce « ménage » modèle et le mettre en péril. Jarmusch ne serait pas Jarmusch sans une petite citation littéraire : ici, c’est Christopher Marlowe, sous les traits de John Hurt, qui est convoqué. Alors, triangle amoureux vampirique et théâtre élisabethain au programme du nouvel opus du dernier dandy du dernier dandy du septième art : hâte ?
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