Miele, c’est le surnom qu’Irène s’est choisi. Un pseudo qui fleure bon la délicatesse et la douceur. Comme un rempart que la jeune femme s’est construit pour faire face à un quotidien aux relents bien plus amers. Si son père et son petit ami la croient étudiante, la réalité est tout autre. Miele vend ses services pour accompagner celles et ceux qui, atteints de maladies incurables ou souffrant d’handicaps graves, demandent à partir.
La Miele de Valeria Golino est une jeune femme à la silhouette “garçon manqué”, discrète et mystérieuse. Les écouteurs vissés sur les oreilles, elle vit dans sa bulle. On la suit dans ses vols réguliers pour Los Angeles, avant de rejoindre le Mexique où un pharmacien lui fournit, sans trop sourciller, des doses de barbituriques. A son retour, elle se rend chez ses “patients” et tel Charon sur sa barque, les accompagne dans leur ultime voyage. Marchande de sable providentielle pour les uns, ange de la mort pour les autres, Miele assiste, dans un respect gêné, aux douloureux adieux d’un mari à sa femme, d’une sœur à son frère ou d’une mère à son fils entièrement paralysé. Golino la filme observer à distance la douleur de ceux qui restent. Devenir le réceptacle de leur chagrin qui, à travers elle, se transforme en colère. “Vous faites vraiment un boulot de merde.” Elle encaisse sans broncher. Elle a l’habitude. Elle comprend. Jusqu’au jour où elle rencontre M. Grimaldi, un septuagénaire en parfaite santé mais désireux d’en finir malgré tout…
Périlleuse entreprise pour Valeria Golino qui effectue donc ici sa première traversée du miroir. Une initiation pour le moins audacieuse puisque après Marco Bellocchio et sa récente Bella Addormentata, elle choisit à son tour de se confronter au délicat sujet de l’euthanasie. Et au-delà, au droit de contrôle sur son corps et sur sa vie. Bellocchio y était allé de toute son expérience mais Valeria Golino n’a pas tremblé pour autant au moment de poser ses questions. Car c’est bien ça que fait Miele. Nous interroger. Sur les motivations de cette jeune femme, notamment. Sont-elles financières ? Morales ? Militantes ? Et il y a sa rencontre avec M. Grimaldi qui ébranle profondément la muraille de certitudes qu’elle s’était consciencieusement érigée, bouleversant ses convictions sur le droit de mourir et le devoir d’y répondre. Quelle différence entre, d’un côté, les “vraies” maladies qui suscitent empathie et compassion, et de l’autre, les maladies “invisibles”, les mal-à-la-vie et autres mélancolies aiguës ? Pourquoi aurait-on de la pitié pour les uns et considèrerait-on les autres comme des hérétiques ? Valeria Golino ne sombre pas dans l’erreur du film partisan caricatural, certes. Pour autant, Miele souffre d’un réel problème de rythme. La faute à un scénario pas suffisamment écrit, à des psychologies pas suffisamment développées qui nous empêchent d’être en prise avec les personnages. Le récit s’éparpille trop souvent dans des séquences formelles inutiles qui ne nous en apprennent pas davantage sur les états d’âme de la jeune femme ou sur ses sentiments vis-à-vis de ce M. Grimaldi. Miele, un film courageux, donc, mais inabouti, nous laissant, malheureusement, sur notre faim.
Miele de Valeria Golino, avec Jasmine Trinca, Carlo Cecchi, Libero de Francesco… Italie, 2013. Présenté en sélection Un Certain Regard du 66e Festival de Cannes.
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