Le 17 avril 1975, quand les Khmers rouges prennent le pouvoir, Rithy Panh a 11 ans. Pendant plusieurs années, lui, ses proches et des milliers de Cambodgiens vont endurer la faim, la souffrance et la peur dans les camps. Voici venu le temps de Pol Pot et du Kampuchéa démocratique.
Long poème en prose porté par une voix off à la fois douce et ironique, L’Image manquante interroge ce passé. Alors que le cinéaste franco-cambodgien se lance dans la quête d’une image qui montrerait le crime de masse commis par les Khmers rouges, le voilà qui remplit le vide, les vides avec des figurines de glaise.
Faites de terre et d’eau, placées dans des décors stylisés, elles sont ses amis disparus, sa famille perdue, ses parents regrettés. Elles sont les images manquantes. Les statuettes sont fixes et c’est la caméra qui tourne autour d’elles. C’est la voix off qui les anime. Pourtant, face aux images d’archives que réunit Rithy Panh, elles apparaissent plus vivantes que ces hommes affamés, désincarnés, déshumanisés qui défilent. Ainsi raconte-t-il l’humanité niée. Ainsi redonne-t-il leur identité aux disparus, leur redonne-t-il couleurs et voix. Et l’évidence éclate : on peut faire disparaître une image, mais pas un souvenir.
Si dans S21, la machine de mort Khmère rouge, dans Duch, le Maître des forges de l’enfer ou dans tous ses films le réalisateur n’a jamais cessé de questionner l’histoire de son pays d’origine, L’Image manquante est sans doute sa création la plus personnelle et la plus puissante. Rithy Panh y règle ses comptes avec les fantômes du passé. Sa figurine, allongée sur un divan sous un portrait de Freud, convoque amis et famille comme autant de témoins de sa démarche de cinéaste. Cathartique et nécessaire.
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L’Image manquante de Rithy Panh. Cambodge, France, 2013. Prix Un Certain Regard du 66e Festival de Cannes.
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