Devant la pauvreté récurrente de l’offre télévisuelle, qui malgré un sursaut, s’échine à diffuser de grands films en VF (cette semaine, Pulp Fiction sur W9), ou des mauvais films, également en VF (Sex & the City sur France 2), Grand Écart change son fusil d’épaule et préfère au programme télé quotidien une sélection du meilleur du cinéma disponible, gratuitement et en VM, sur le petit écran. Un conte psychédélique, du couscous, des films suédés, et une leçon épicurienne : on s’en tire pas si mal.
Peau d’âne, de Jacques Demy – Lundi, 22h15 – Gulli
Alors que Le monde enchanté de Jacques Demy peut toujours se savourer à la Cinémathèque (jusqu’en août), on peut prendre un petit cours de cuisine lundi soir sur Gulli avec l’incontournable scène du Cake d’amour. Comme tous les contes, Peau d’âne met en scène des princes, des princesses et des rois. Sauf qu’ici, le roi veut épouser sa fille. Bon. Le conte permet tout à Jacques Demy. D’affubler Catherine Deneuve d’une cape surmontée d’une tête d’âne, qu’elle troque pour une robe couleur de soleil, et de faire porter de seyants collants à Jacques Perrin. Il permet aussi de montrer à des enfants un conte cruel et psychédélique – on est en 1970 – où l’on chante les plaisirs de la drogue douce dans des couleurs éclatantes (un royaume où tout est bleu, et un royaume où tout est rouge), des costumes extravagants, des gros chats empaillés et des perroquets qui chantent.
La Graine et le mulet, d’Abdellatif Kechiche – Lundi, 23h15 – France Ô
Après avoir appris à faire le cake d’amour dans Peau d’âne, on passe à la recette du couscous. La Palme d’or d’Abdellatif Kechiche pour La Vie d’Adèle est tout sauf une surprise puisque, déjà, pour La Graine et le mulet – qui avait tout décroché en 2008 sauf le Lion d’or de Venise –, on avait dit qu’on n’avait jamais rien vu de tel au cinéma. Sa simplicité est sa force. Son art est le contraire de celui de l’artifice. Il construit patiemment un cinéma qui prend son temps, celui d’explorer la vérité du quotidien, des relations humaines, de l’importance des détails, et la vigueur des mots.
Soyez sympas, rembobinez, de Michel Gondry – Mercredi, 20h50 – Arte
Hommage ultime au cinéma, aux souvenirs qu’il laisse, et à l’émotion collective qu’il procure, Soyez sympas, rembobinez est la compilation des films préférés de Michel Gondry : de SOS fantômes à 2001, de Miss Daisy et son chauffeur à Men in Black, tous retournés avec les moyens du bord. Un film simple qui décomplexe tout créateur et qui place le plaisir de faire et de partager au cœur de toute entreprise, pétri d’idées de génies d’autant plus bluffantes qu’elles semblent évidentes. Il faut s’appeler Michel Gondry, maître du bricolage futé, pour y penser, là est la différence.
Le bonheur est dans le pré, d’Etienne Chatiliez – Jeudi, 20h45 – France 3
Etienne Chatiliez n’aime rien tant que bousculer les codes bourgeois et les faire se télescoper avec le bon sens populaire. Cette fois, Sabine Azéma découvre, en compagnie d’un Eddy Mitchell en grande forme, les joies simples du lâcher prise (« Profite », répète-t-il en boucle, comme un Benjamin Biolay plus terre-à-terre) pendant que Michel Serrault se fait au bonheur de la vie au grand air et de la bonne bouffe (« C’est pas lourd le confit », dit l’un des frères Cantonna sur le ton de l’évidence). C’est un peu classique, mais servi par des acteurs qui s’amusent avec une telle sincérité que le plaisir est partagé.
Pour combler cette semaine télévisuelle un peu vide, on ne saurait que trop vous conseiller la reprise de la 45e Quinzaine des réalisateurs au Forum des images, qui dure jusqu’à la fin de cette semaine. L’occasion de découvrir Henri de Yolande Moreau, La Danse de la réalité d’Alejandro Jodorowsky, ou encore le savoureux Les Garçons et Guillaume, à table !, de Guillaume Gallienne.