Ce premier long est un film à voir deux fois. La première, on le trouve beau, la deuxième, sublime et profond. Tonnerre de Guillaume Brac nous entraîne dans la passion de Maxime avec tendresse et légèreté puis tumulte et frayeur… Il faudrait aussi parler de la neige tombant dans les cheveux emmêlés de Vincent Macaigne, de la musique de Rover, du beau visage de Solène Rigot éclairé au feu de bois et des éclats de rire que nous arrache le fantasque Bernard Menez… Mais on commence comme ça :
Comment définiriez-vous le genre de votre film Tonnerre ?
C’est ce qu’on devrait appeler une comédie dramatique mais le pari du film était de démarrer sur quelque chose d’assez proche de ce que j’avais pu faire avant, une comédie sentimentale – comme dans Un monde sans femmes – pour glisser progressivement dans quelque chose qui serait un mélange de drame, de thriller, de polar… Alors est-ce que ce serait un polar sentimental avec une touche de comédie ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, effectivement, c’est un film qui est tout en ruptures de ton. C’est une chose qui m’intéresse beaucoup mais qui peut être assez risquée ! Dans mon moyen-métrage, Un monde sans femmes, il y avait déjà des ruptures de ton sauf qu’elles étaient moins amples. Là, le film peut apparaître pour certains un peu scindé en deux mais tout simplement, pour moi, cela reflétait le déroulement d’une histoire d’amour passionnelle qui tourne mal et ça me plaisait que le film dans sa tonalité même, épouse ce mouvement avec d’abord un mouvement euphorique, réjouissant puis un mouvement anxiogène et même carrément effrayant.
Quelle a été la partie la plus difficile à écrire ?
Je ne me suis pas posé la question en ces termes mais la première partie est d’avantage nourrie de petites choses personnelles et la seconde partie relève plus de la fiction. Donc dans l’écriture, ce sont deux rapports différents aux scènes : il y a le plaisir d’aller puiser des souvenirs et de les transformer, les transposer et les enrichir, et dans la seconde, il y a le plaisir de fantasmer ce que dans certaines situations on aurait pu faire et on ne fait pas, et heureusement… Ça, c’est excitant aussi.
Vous êtes-vous posé très tôt la question de l’identification au personnage ? Est-ce que vous étiez conscient qu’à un moment donné le spectateur ne pourrait plus le suivre ?
Je ne suis pas si sûr que le spectateur ne le suive plus. Evidemment, ça dépend de quel spectateur. Mais je pense qu’il y a des spectateurs qui suivent le personnage principal, y compris dans ses errements les plus contestables et les plus dérangeants. Ce n’est pas quelque chose que j’ai calculé. Quand je revois le film, bizarrement, le moment que je trouve le plus violent c’est quand Maxime gifle Mélodie dans le chalet et heureusement, il a, plus tard, une prise de conscience et le personnage se libère de cette violence. Mais il est vrai que ce qui me faisait très peur, et je devrais dire « nous » parce que j’ai écrit le scénario avec Hélène Ruault… ce qui nous faisait très peur donc, c’était de perdre l’empathie du spectateur. Et en même temps, il ne s’agissait pas que le film soit trop complaisant avec le personnage de Maxime et qu’on le suive aveuglément sans avoir le moindre recul avec ce qui est en train de se passer. Donc il fallait trouver la distance juste par rapport à sa dérive : qu’on puisse à la fois totalement le comprendre, partager sa détresse, partager sa colère, même lorsqu’il commet un acte violent. Qu’on puisse encore le comprendre, même si on se dit « Il est fou, moi je n’aurais pas fait ça » ou « J’y ai déjà pensé dans ma vie mais je ne l’aurais jamais fait ! ». Le film joue avec les frontières de la morale, c’est un film qui ne juge personne et j’ai le sentiment que lorsque le film se termine, tous les personnages ont, à des degrés divers, à la fois des choses à se reprocher et ont agi avec une certaine noblesse.
Est-ce que le vrai sujet du film ce n’est pas justement : « comprendre » ?
Pour moi, c’est un sujet très important. D’ailleurs à un moment donné le père dit à son fils : « Toi, tu n’essayes même pas de comprendre les gens. » Ce n’était pas par hasard que je voulais que le père dise ça parce que le cœur du problème c’est que Maxime met beaucoup de temps à ne serait-ce qu’essayer de comprendre cette jeune fille. Maxime est au fond assez tourné vers lui-même et Mélodie vient combler un vide. En fait, c’est surtout elle qui comprend… Sa prise de conscience la rend forte, intelligente, adulte.
Je pensais aussi, d’un point de vue peut-être plus psychanalytique, à « comprendre le Père »…
En effet, quand ce fils retourne chez son père au début, il n’y va pas du tout avec l’intention de le comprendre, ni même de passer du temps avec lui ; c’est un peu une sorte de pis-aller ou de refuge. Les sentiments assez extrêmes qu’il vit avec cette jeune fille lui permettent d’entrer en connexion avec son père, sans doute à un endroit qu’il n’imaginait pas. Quand le film se termine, Maxime a compris quelque chose de son père, les personnages ne sont plus dans le jugement et j’espère que le spectateur ne l’est plus non plus.
Hervé, l’homme que rencontre Maxime, est un acteur professionnel ou amateur ?
Ce n’est pas un professionnel, c’est avant tout un ami. Cela fait des années que l’on a une relation privilégiée. On ne se voit qu’une seule fois par an mais il y a une sorte de confiance entre nous qui fait qu’il me livre des choses très intimes de lui, je lui livre des choses très intimes de ma vie, et quasiment chaque fois qu’on se voit, on se retrouve à un point très profond. Cela fait pas mal d’années que je me dis que c’est quelqu’un qui aurait pu avoir une autre vie s’il avait grandi ailleurs, s’il avait fait d’autres rencontres. Il a une intensité et une photogénie d’acteur. J’ai écrit toutes ces scènes pour lui. C’est d’ailleurs par son personnage que la noirceur se diffuse dans le film…
Ce sont souvent dans vos films des personnages secondaires, qui ouvrent à quelque chose. Au désir par le gendarme dans Un monde sans femmes, par le sommelier dans Tonnerre, à la mélancolie ici par Hervé…
Je ne sais pas tellement comment justifier ça. Mais une chose dont je suis sûr, c’est un très grand plaisir pour moi d’imaginer, de tourner ce type de scènes avec des gens qui ne sont pas des comédiens en face de comédiens professionnels. Ces mélanges, ça m’excite beaucoup. A chaque fois, c’est comme si quelque chose s’entrechoquait entre le réel, la vie et la fiction, le récit ! Ces scènes-là, ce ne sont pas tout à fait des scènes de documentaires, ni des scènes de fiction, elles deviennent des révélateurs ou des points de bascule du film. Peut-être parce que j’ai une méfiance instinctive vis-à-vis des ressorts dramatiques, des mécanismes psychologiques et passer par des scènes en apparence gratuites ou digressives crée en fait des appels d’air dans le film.
Le premier baiser a lieu dans une ancienne prison, ce n’est pas anodin…
C’est délibéré, en effet. Un baiser très spécial. A ce moment, Maxime ne signe pas son arrêt de mort, mais on peut dire qu’il signe son arrêt d’obsession ! A cet instant précis, il devient prisonnier de son désir, de son attirance pour cette jeune fille. L’idée à l’écriture était que ce premier baiser se passe dans des souterrains. Quand j’ai fait les repérages avec mon premier assistant et mon chef opérateur et qu’on a découvert cet ancien cachot, je me suis dit : il faut que ça se passe là ! J’en ai parlé à ma scénariste, qui m’a encouragé dans ce sens. Pour l’histoire d’un type qui n’arrive pas à sortir de son obsession, c’est tout à fait cohérent. Mais vous êtes la première spectatrice à le noter donc ça va, cela reste assez subtil…
Il faut voir le film une deuxième fois pour le remarquer !
Oui, c’est amusant, j’ai l’impression que c’est un film qu’on peut voir la première fois en restant toujours un peu sur la crête des scènes, toujours un peu en surface, on se laisse un peu porter par le film et on se dit « oui, c’est sympathique » alors que je crois qu’il y a des choses assez pensées et assez fines dans l’évolution du récit. Peut-être qu’elles ne se voient pas immédiatement.
Notamment un détail, le fond d’écran de l’iPhone de Maxime est un tableau de Van Gogh…
Comme beaucoup, j’adore la peinture de Van Gogh. Il se trouve que pour moi, ce tableau dit quelque chose de la folie avec ses courbes… Et cela m’intéressait que le personnage ait un fond d’écran qui contienne déjà une forme de folie, d’envoûtement. Il se trouve accessoirement, que c’était aussi mon fond d’écran avant le tournage ! Mais je l’ai choisi parce qu’il racontait quelque chose visuellement, pas parce que c’était le mien !
Tonnerre de Guillaume Brac, avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Menez… France, 2013. Sortie le 29 janvier 2014.
le film TONNERRE réalisé par Guillaume Brac : à comprendre que les acteurs sont très biens, en particulier Vincent Macaigne se marque d’une aisance de compréhension des situations pour transmettre les messages (dans les films): On peut dire surtout qu’il est un grand acteur actuel du cinéma jeun français.
Les acteurs et le réalisateur se comprennent très bien ;
C’est un film de poésie avec mistères qui demande de retourner à revoir le film.
On aurait dit, il y a une suite : (un 2ème film…) ; une bonne équipe le réalisateur et ses acteurs.
féicitation au cinéma français .