Les fantômes, les jeunes et le jouet
Après le suicide inexpliqué d’une de leurs amis, une bande de jeunes, bien sous tout rapport, décide d’en savoir plus sur le drame qui leur a rougi les yeux. Ils reviennent sur les lieux de la tragédie et découvrent une table de spiritisme. Une aubaine qui va leur permettre d’entrer en contact avec leur amie depuis l’au-delà et peut-être connaître la terrible vérité. Mais, la maison est habitée par d’autres fantômes pas vraiment “friendly”…
Autant le dire tout de suite, ce film est un immense complot commercial. Contrairement à toutes les autres maisons hantées qui sentent le navet, celle-ci a pour particularité de remettre au goût du jour, par un placement de produit orgiaque, un article ludo-éducatif qu’on avait peu vu depuis L’Exorciste : la table de spiritisme, communément appelée ouija. De quasiment tous les plans, l’objet y est décliné en deux versions : la junior, dans le préambule du film, à la structure intégrale en plastique (plateau, pointeur et fish-eye pour voir l’esprit qui fait peur, et accessoirement, assurer les jumpscares) et la vintage, plus grande et en bois vernis ignifugé. La bande de teens apeurés qui le manipule, ou plutôt les scénaristes qui font le job, nous rappellent astucieusement que ce produit – devenu désuet dans nos contrées attardées, à part chez quelques revendeurs spécialisés de foie de corbeau séché et autres élixirs à base de menstruations de génisse – est en vente dans tous les magasins de jouets du Texas à l’Oregon. Enfin, si l’on recoupe ces constatations avec le fait que le producteur du film est Michael Bay (grand manitou des Transformers, eux-mêmes produits dérivés d’une grosse marque de jouets), on comprend sans effort l’objectif de cette action d’envergure menée conjointement par l’industrie du jouet et celle du divertissement : relancer les chiffres de ventes d’un article en perte de vitesse. De plus, en ces temps troublés où la chose mystique revient en force, le moment est on ne peut mieux choisi. A part ça ? rien… Ah si, peut-être faudrait-il arrêter de construire des maisons avec cave et grenier. Ça éviterait aux fantômes de s’y fourrer et de toujours y laisser traîner leurs anciens effets personnels. A force, ça devient lassant. Merci !
PS : ce publi-reportage éhonté aura les honneurs du grand écran en avril prochain. Le pouvoir de l’argent, qu’on vous dit !
Ouija de Stiles White, avec Olivia Cooke, Ana Coto, Daren Kagasoff… Etats-Unis, 2014. Présenté hors compétition au 22e Festival du film fantastique de Gérardmer. Sortie le 29 avril 2015.