What We Become, de Bo Mikkelsen

 

What We Become, de Bo MikkelsenGustav est un adolescent qui passe tranquillement ses vacances d’été sur son vélo ou son skate, quand une violente épidémie de grippe frappe le quartier. L’armée met la population en quarantaine, mais on s’en doute, sinon l’histoire couperait court, la situation dégénère. Les infectés virent à la folie et attaquent les autres.

On ne boude pas un film d’horreur danois. D’abord parce que dans une production trustée par les Etats-Unis et largement formatée, la recherche d’un petit bol d’air de liberté créatrice ne se refuse pas. Rappelons-nous qu’on doit au Danemark Haxan, quand même. Ensuite, dans ce cas précis, parce que lors de la présentation officielle du film en compétition au 23e Festival de Gérardmer, le réalisateur Bo Mikkelsen a souligné qu’un tel film « ne s’est jamais fait au Danemark ». Notre curiosité est définitivement piquée. C’est parti pour 1h25 de film en danois.

Ca commence fort, musicalement et visuellement, avec le prégénérique et le carton de titre qui apparaît. L’introduction assourdissante présage du bon, dans la tradition de John Carpenter et plus récemment de David Robert Mitchell (It Follows, lui-même largement inspiré par Halloween). Le travail du son est fabuleux. Peter Albrechtsen (également compositeur d’Antichrist) mêle les nappes musicales pour déformer le son final, un peu à la manière d’un Phil Spector. Objectif angoisse. Ce qui est plutôt réussi dans la première partie du film, huis clos étouffant sur fond de virus mortel. Bo Mikkelsen sait filmer et le montre, peut-être un peu trop. Formellement, What We Become est une petite pépite qui nous renvoie avec bonheur aux parangons historiques du genre, ce qu’il partage encore avec It Follows.

Là où le bât blesse, c’est que Bo Mikkelsen, tel un hipster dans son barber shop préféré, se focalise quasi exclusivement sur l’esthétique. Bien vite – attention on va bientôt spoiler – l’intrigue montre des faiblesses, le scénario des trous béants et des approximations en tout genre. Bo prend-il le spectateur pour un idiot ? C’est bien mal le connaître, surtout lorsqu’il est dit « de genre », biberonné aux comics et au cinéma geek. Les raccourcis, les détails dont on se défait au profit de la simplicité de l’action (l’absence de gaz qui interdit toute cuisson, mais qui revient quand il s’agit de faire disparaître Ninus le lapin), la bêtise supposée des personnages (qui irait réellement espionner des dizaines de militaires armés jusqu’aux dents pour ouvrir des camions pleins de morts alors qu’une épidémie inconnue se répand ?)… Et encore, tout ça ne serait rien si la seconde partie, qui fait éclater la violence et désamorce l’angoisse palpable du début, ne relevait pas tout bonnement du cliché. What We Become surfe sur la mode du zombie, alors qu’il aurait dû chercher ailleurs la filiation (ce qu’a réussi à faire David Robert Mitchell dans It Follows). En tranchant avec les codes de l’infection zombie, Bo Mikkelsen aurait prolongé le malaise. Au lieu de ça, What We Become finit par enchaîner les poncifs, plan aérien final laissant présumer que l’horrible épidémie se propage dans tout le pays y compris.

Peut-être que le film de Bo Mikkelsen est une première au Danemark, que pour d’obscures raisons le pays est plus adepte des sorcières et résurrections que des morts-vivants, et que ses habitants n’ont pas le câble. Mais partout ailleurs, ceux qui ont vu La Nuit des morts-vivants, The Walking Dead ou son spin-off Fear the Walking Dead, vont trouver What We Become réchauffé (au gaz) et décevant.

 
What We Become (Sorgenfri) de Bo Mikkelsen, avec Mille Dinesen, Ole Dupont, Mikael Birkkjær… Danemark, 2015.