Moi, Daniel Blake, de Ken Loach

 

Nuit debout

Moi, Daniel Blake, de Ken LoachOn pourrait dire que le nouveau film de Ken Loach est un tract politique supplémentaire. Ajouter qu’il éclaire une nouvelle facette de l’Angleterre prolétaire. On pourrait dire encore qu’il s’agit là de son dernier baroud d’honneur, lui qui, comme Line Renaud, n’en finit pas de faire ses adieux. Mais impossible pour le réalisateur du Vent se lève (palmé en 2006) de rendre les armes.

A l’image de son attachant personnage, Daniel Blake, Ken Loach ne peut se résoudre à lâcher l’affaire. Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage… A 80 ans (dans un mois), le réalisateur britannique revient en compétition aussi vif qu’à son habitude, révolté, profondément empathique et humaniste. Ce qui se joue ici c’est la continuité d’une œuvre, d’un engagement, d’un propos. Une œuvre toute entière tournée vers les accidentés de la vie et la classe ouvrière. Sans concession, Ken Loach suit son antihéros, revendiquant jusque dans son titre le droit d’être un individu, un humain, un citoyen. Pas un simple numéro de sécurité sociale.

Daniel Blake, double de Ken Loach, vieux bonhomme indigné, fatigué, en colère, est toujours prêt à se battre. Il n’est pas cinéaste. Il est menuisier. Mais c’est un peu la même chose, non ? Face à une administration kafkaïenne, il retrousse les manches, s’essuie le front et repart au combat. Histoire de ne pas devenir fou. Plaidoyer pour ceux que l’on désigne (surtout en ce moment) comme des assistés, Moi, Daniel Blake est aussi très sombre. Plus proche d’un My Name is Joe que de La Part des anges, il nous arrache plus de larmes que de sourires. Et si le partage et la solidarité tentent de trouver une brèche ici et là, ce que montre surtout Ken Loach, c’est un système qui tourne avec la masse, se contrefout de l’homme qui suffoque. Une machine qui broie tout sur son passage. Sauf peut-être l’amour.

 
Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake) de Ken Loach, avec Dave Johns, Hayley Squires, Mick Laffey… Angleterre, 2016. Palme d’or du 69e Festival de Cannes. Sortie le 26 octobre 2016.