Oh Lucy !, d’Atsuko Hirayanagi

 

Lucy’s not in the sky

Oh Lucy ! d'Atsuko HirayanagiComme le chantait Pascal Obispo, « Lucy, il y a des soirs comme ça où tout s’écroule autour de vous sans trop savoir pourquoi toujours. » Une poésie qui sied parfaitement au film d’Atsuko Hirayanagi où Setsuko, alias Lucy donc, va de Charybde en Scylla. Entre le mal et le pis, elle sera tombée amoureuse d’un professeur d’anglais, sera partie à la recherche de sa nièce envolée avec ledit professeur à Los Angeles, se sera fait faire tatouer le mot « amour » en japonais et aura débattu avec sa sœur à coups de poings quand les mots ne suffisent plus. Ca, c’est pour le sommet de l’iceberg de cette Nippone pas comme les autres, qui a épousé la solitude faute de l’amour de sa vie parti se marier avec son aînée.

Version longue d’un court-métrage éponyme, Oh Lucy ! traite du désespoir sans s’apitoyer, montrant à la fois le yin et le yang. Setsuko a un appartement jonché d’immondices reflétant le chaos intérieur de son occupante ? Au travail, elle se montre exemplaire et sans failles, même si elle n’éprouve pas une grande empathie pour ses collègues. Setsuko refuse qu’un homme la touche ? Elle se laisse pourtant prendre au jeu des câlins de John, son professeur si amical. Trop amical pour être honnête, peut-être. Mais suffisamment pour que Setsuko accepte de se faire rebaptiser Lucy pour plus de facilités et de porter une perruque blonde pour faire plus américaine. Lasse de sa carcasse qu’elle traîne sans y réfléchir, elle s’empresse de prendre le premier avion pour retrouver sa nièce. Ou plutôt John qui, décidément, occupe ses pensées, même si pour cela, elle doit subir sa sœur qu’elle déteste viscéralement (et réciproquement).

A Los Angeles, elle se heurte à la réalité. Le jeu de masques est tombé. Lucy perd pied et contenance. Et même, parfois, le respect des spectateurs. D’héroïne à laquelle on s’identifie, on en vient parfois, comme les autres protagonistes du film, à la détester et la conspuer par la pensée, elle qui refuse de se relever après avoir tant chuté. Une prouesse de la part de la comédienne Shinobu Terajima, visage méconnu dans nos contrées et qui livre ici une performance toute en finesse et subtilité, sans jamais verser dans le ridicule. Elle donne la réplique à un revenant, Josh Hartnett, qui se rachète une crédibilité d’acteur après les blockbusters américains dans lesquels il a versé au début de sa carrière. L’âge lui va bien. Il épaissit son jeu autant que sa carrure. Malgré des situations absurdes (notamment celles qui concernent le choc des cultures entre Japonais et Américains), Oh Lucy ! n’a rien de la petite bulle pop acidulée à laquelle on s’attendait. C’est une tragicomédie qui ne tient pas toutes ses promesses, mais qui a le mérite de révéler une autre réalisatrice japonaise que Naomi Kawase. Et c’est déjà un événement en soi.

 
Oh Lucy ! d’Atsuko Hirayanagi, avec Shinobu Terajima, Josh Hartnett, Kaho Minami, Koji Yakusho… Japon, 2016. Présenté à la 56e Semaine de la critique.