Premier long-métrage de la réalisatrice irlandaise Juanita Wilson, As if I am not There est un film qui dérange, qui malmène son spectateur. Adaptation du livre éponyme de la journaliste croate Slavenka Drakulic, il met en images l’histoire vraie de cette jeune institutrice kidnappée comme tous les gens de son village pour servir de monnaie d’échange aux soldats serbes en pleine guerre des Balkans. Dès la scène d’ouverture, le choix de la réalisatrice est clair. On est du côté de l’intime, immergé dans la tête – et le corps – de Samira, cette institutrice infortunée. Alors commence la vie au camp, dans un entrepôt délabré, et se déploie sous nos yeux le quotidien de ces prisonnières de tous âges. Si la faim, la crasse, la maltraitance et la brutalité des gardiens nous mettent vite mal à l’aise, ce n’est rien comparé aux viols perpétrés par des geôliers que la guerre a vidé de leur humanité. Le calvaire commence pour Samira et ses compagnes de malheur. Et au spectateur qui se voit contraint d’assister à des scènes d’une rare sauvagerie, la réalisatrice montre sans ambages et sans pudeur la monstruosité des hommes. On pourrait reprocher la vanité de ces scènes qui nous infligent une expérience simplement traumatisante. Mais on peut aussi convenir que l’émotion brutale est nécessaire pour condamner la guerre et ses atrocités. Comment survivre à la barbarie ? Tandis que ses compagnes vont subir leur sort sans mot dire, Samira, elle, va tenter à sa manière, de se protéger. L’actrice Natasa Petrovic (dont c’est le premier film) crève l’écran, jouant tour à tour la détresse, l’angoisse, la compassion, mais aussi la révolte et la détermination. La mise en scène est sobre. Le traitement, malgré le sujet, est empreint de poésie, lorsque le rythme se fait languissant, les couleurs mordorées, la musique douce. Alors, au cœur de l’horreur asphyxiante, à la fin du film, quand point l’espoir d’un avenir meilleur, on peut enfin respirer…
As if I am not There de Juanita Wilson, avec Natasa Petrovic, Miraj Grbic… Irlande, Macédoine, Suède, 2010. Sortie le 27 février 2013.