4 juillet. Claridge, Maryland, USA. Petite station balnéaire populaire de Chesapeake Bay. Un lac, une étrange bactérie et des morts à la pelle recouverts de furoncles purulents et autres morsures non identifiées. La panique s’empare de la ville et de ses habitants. Donna Thompson (Kether Donohue), une jeune étudiante en communication, et son caméraman sont sur place pour témoigner…
Rain Man, Avalon, Good Morning Vietnam, Des hommes d’influence, Sleepers ou encore Sphère… Barry Levinson est un vieux loup de mer du septième art à la filmographie foisonnante et pour le moins éclectique. Mais il faut bien l’avouer, en sérieux manque d’inspiration depuis une dizaine d’années. C’est donc avec plaisir que l’on retrouve le cinéaste dans un genre plutôt surprenant. Celui de la catastrophe écologique, bactériologique. Enfin, non, ce serait plutôt celui du film d’horreur ou peut-être serait-ce de l’angoisse… ? Le tout filmé comme un faux documentaire, version found footage, marque de fabrique (déjà en passe de devenir has been) des Projet Blair Witch, Paranormal Activity et autres Cloverfield. Mais c’est justement là que réside le problème principal de The Bay. Son genre, c’est celui de ne pas en avoir. Ou si, le genre du “touche-à-tout”. A croire que Levinson avait encore quelque chose à (se) prouver en choisissant de s’aventurer, à 71 ans, sur de nouveaux territoires pour finalement s’éparpiller et se perdre dans de malheureuses incohérences narratives et une mise en scène approximative.
Le film s’ouvre sur le visage de Donna Thompson. Le témoignage de l’apprentie journaliste, survivante miraculée, fait l’objet d’un documentaire destiné à lever le voile sur cette étrange histoire de parasites mutants – des “isopodes” –, dévorant les gens de l’intérieur. Face caméra, elle explique et nous prévient… Les images et les témoignages que l’on s’apprête à découvrir ont été omis, écartés, niés, dissimulés par les autorités locales et fédérales. Ils étaient au courant et ils n’ont rien fait… Cette petite introduction faite, s’ensuit un flot ininterrompu de séquences (“footage”) vidéo jetées en vrac sans aucune logique chronologique. Des séquences issues non seulement des rushs conservés par la jeune Thompson mais aussi des enregistrements récupérés (on ne sait d’ailleurs pas trop comment) à partir de différents appareils vidéo numériques : smartphones, caméscopes HD, caméras de surveillance ou encore celles dont sont équipées les voitures de police.
Le tout est monté de façon artificiellement aléatoire dans le seul but de nourrir une intensité dramatique très efficace, certes, mais peu appropriée au documentaire. Qui est véritablement derrière la caméra ? Question qui revient souvent tout au long du film, au rythme des invraisemblances qui parsèment le récit. Peu probable effectivement de voir ce jeune garçon plonger dans l’eau pour voler au secours de son amie en très fâcheuse posture tout en continuant à tenir fermement son smartphone à la main. Plus improbable encore, ce couple débarquant à Claridge caméscope à la main, découvrant des rues jonchées de cadavres : saisis d’effroi, ils continuent malgré tout leur petit film macabre (cadavres qui, soit dit en passant sont étonnamment bien “rangés” de part et d’autre de la rue). Totalement impossible, pour le coup, cette caméra de voiture de police – donc a priori fixe – qui se met soudain à changer d’axe dans un travelling vertical inexplicable. On est surpris, enfin, d’entendre ici ou là des ajouts sonores (bande-son, bruitages pour suggérer le grouillement d’un isopode…) qui n’ont, encore une fois, rien à faire dans un found footage.
Au final, Barry Levinson aurait tout aussi bien fait de rester dans le cadre d’un film-catastrophe horrifique classique plutôt que d’aller s’égarer dans un found footage qu’il n’a pas su tenir jusqu’au bout. The Bay ressemble finalement à un enchevêtrement d’images plus proche du reportage sensationnaliste à la W9 que de la construction narrative rigoureuse et didactique propre au reportage scientifique. Pourquoi pas… Sauf que d’un point de vue scénaristique et artistique, ça ne colle pas. Dommage.
The Bay de Barry Levinson, avec Kether Donohue, Kristen Connolly, Michael Beasley, Christopher Denham… Etats-Unis, 2012. En compétition au 20e Festival du film fantastique de Gérardmer. Sortie le 19 juin 2013.