Récompensé par le Prix du jury du 19e Festival de Gérardmer, Beast raconte l’histoire de Bruno (Nicolas Bro), personnage « à l’amour intense » dont la jalousie maladive pousse sa femme Maxine (Marijana Jankovic) dans les bras d’un autre. Dévoré par ses pulsions, Bruno somatise et perd peu à peu la raison. La passion qu’il éprouve pour sa femme est indissociable de la haine qu’il lui voue, à l’image de la magnifique scène de fantasme vampirique. L’hémoglobine qui coule par touches et les extérieurs enneigés, visuellement parfaits, font notamment penser à un autre film fantastique scandinave, le grandiose Morse de Tomas Alfredson. Malheureusement, une suite de belles séquences ne fait pas un beau film. En bon élève, le réalisateur danois Christoffer Boe a bien retenu toutes les leçons apprises, et fait de Beast un exercice de style mimétique destiné à montrer toute l’étendue de sa palette graphique et technique. Bref, une sorte de curriculum vitae d’une heure trente montrant que Christoffer Boe sait tout faire. Mais, à l’instar de La Maison des ombres, autre film en compétition cette année à Gérardmer et également récompensé du même prix ex æquo, cette première œuvre est joliment faite, mais parfaitement attendue et inoffensive. A trop insister sur la forme, le cinéaste en a oublié de soigner le fond, c’est-à-dire le récit, un point important pour qui souhaite divertir (ou au moins, intéresser) un public. Les relations entre le triangle amoureux sont particulièrement caricaturales, le couple adultère osant encore s’interroger sur la confidentialité de son secret alors que même un enfant de 5 ans aurait compris que le troisième larron est au courant… Qu’ils meurent, qu’ils vivent ou qu’ils s’entretuent, les personnages nous laissent aussi froids que le climat danois. Il est finalement remarquable qu’un film sur les tréfonds de l’âme humaine en manque autant. Peut-être un signe du temps, puisque même le jury de Gérardmer s’y est laissé prendre.
Beast de Christoffer Boe, avec Nicolas Bro, Marijana Jankovic, Nikolaj Lie Kaas. Danemark, 2011. Prix du Jury au 19e Festival de Gérardmer.