(Re)découvrir le chef-d’œuvre qu’est Belladonna sur grand écran, de plus restauré en 4K, c’est un peu comme assister à un miracle. Longtemps le film n’était disponible que sous forme de copies de très mauvaises qualités. C’’était avant tout un film mystérieux, une œuvre que peu avaient vu. On s’en parlait entres cinéphiles avertis et amoureux des OFNIs, on ne pensait plus avoir droit à une ressortie. Mais voilà… Belle comme au premier jour, resplendissante, vénéneuse et désirable comme jamais, Jeanne, la villageoise amoureuse de son cher Jean est de retour dans les salles obscures, là où il faut impérativement découvrir ce conte psychédélique, érotique et terriblement envoûtant.
On ne s’étendra pas sur le travail de restauration qui a redonné toute sa beauté au film, il est formidable. Ce qui frappe en revoyant le film, c’est sa modernité, son actualité. Sa sortie coïncide (n’oublions pas qu’il est librement adapté d’une nouvelle de Jules Michelet intitulée La Sorcière) merveilleusement avec celles de The Witch et de The Neon Demon. Trois films où la femme est au centre de l’histoire, sa sensualité, son corps et les ravages que cela provoque sur son entourage. A chacun son approche, à chacun son imagerie particulière mais ce qu’ils ont en commun, c’est que chaque film regorge de plans inoubliables qui s’impriment sur la rétine. On peut trouver à tous ces films un discours féministe, mais ce qui frappe encore plus c’est l’opposition entre la chair et la douleur, l’image et sa violence, des thèmes qu’ils partagent tous.
Si ces œuvres montrent des femmes qui reprennent en main leur destin, leur sexualité, leur corps, ils parlent aussi du supplice enduré pour parvenir à cette libération. Toute métamorphose est accompagnée de souffrances, cela devient très clair à la vue de cette trilogie fantasmée. Images parfaites dans le regard des hommes (et des femmes), les trois héroïnes transcendent chacune cette « image première » pour devenir plus. Elles vont au-delà de l’image en faisant corps avec celle-ci. Amalgame purement diégétique et fantasmagorique, pures créatures de cinéma elles deviennent ainsi des êtres fictionnels autrement plus séduisants et terrifiants qu’elles sont absolument irréelles. Il ne leur reste alors plus que le feu pour exister, élément de la renaissance, celui qui instaure la Femme comme un être suprême et définitivement intouchable. Ce par quoi elles devaient être achevées, condamnées devient le vecteur même de leur réalisation.
Belladonna (Kanashimi no Belladonna) de Eiichi Yamamoto. Japon, 1973. Ressortie le 15 juin 2016.