Une petite sélection de nouveautés pour ce joli mois de juillet. Des films qui se suivent mais qui ne se ressemblent pas.
A Better Tomorrow de Hae-Sung Song avec Jin-mo Ju, Kim Kang-woo, Seug-Heon Song…
A Better Tomorrow est le remake du film culte de John Woo, Le syndicat du crime. Les puristes du machouillage à la Chow Yun-Fat peuvent crier au scandale, les admirateurs de la balistique à la John Woo peuvent hurler à la mort, les aficionados des ralentis sanglants peuvent brailler d’innommables insultes, A Better Tomorrow n’est pas meilleur que Le Syndicat du crime, d’avance je rassure les intolérantes chapelles (dont je fais partie, mauvaise foi comprise) mais il n’est pas pour autant honteux. Même s’il ne fait pas avancer le schmilblick du grand mystère cinématographique, A Better Tomorrow ravira les addicts de la baston asiat pendant 2 bonnes heures et ça, en ces temps de disette, c’est déjà le Pérou.
Tant qu’à remaker me direz-vous, autant remaker un chef-d’œuvre surtout quand il est approuvé et produit par le maître lui-même. Si la version 2010 ne prétend rien corriger, elle ne copie pas l’original laissant à John Woo tout ce qui fait le sel de son cinéma, qualités (ambiance furibarde, mise en scène coup de poing) et défauts (scénario, interprétation approximative) compris.
Du coup, nous savons pas vraiment si Hae-Sung Song revisite, reformule, régurgite ou si c’est un peu tout à la fois. Vous l’aurez compris, A Better Tomorrow n’est pas indispensable et, sans être aseptisé, est à l’image de notre époque, un brin cul serré. La patte de Woo faisait toute la différence. Pure et sans concessions.
Cette histoire de frères séparés enfant qui se tirent la bourre adulte avance par à-coup ; calme, tuerie, calme, tuerie. ZZZZZzzzzzzz.
Martin Scorsese avait su tirer les marrons du feu en s’appropriant le cultissime Infernal Affairs. N’est pas Martin Scorsese qui veut. Jean-Louis Scorsese peut-être (il est charcutier à Chamburne-en-Basses-Bouilles) mais pas Martin.
L’énorme problème du cinéma asiatique d’aujourd’hui, c’est la durée. Un problème récurrent dans le genre qui n’a rien à voir avec les macarons. Trente minutes de moins et le film gagnait en puissance à tout point de vue. Tant pis. Le Syndicat du crime tient bon la barre pendant ses 90 minutes.
Même si bordélique dans le traitement des rapports humains, A Better Tomorrow vaut largement le tout-venant des sorties hebdomadaires. Tentez le coup.
Disponible en DVD et Blu-ray chez TF1 Vidéo.
Okinawa et La Gloire et la peur de Lewis Milestone
Lewis Milestone n’est pas le plus connu des cinéastes américains. Si je devais goupiller un quiz sur le bonhomme pour le concours d’entrée à l’Ecole polytechnique, la promotion 2013 ne pèserait pas lourd. Milestone, nous l’avons juste oublié. L’homme a fait sa réputation grâce à ses films de guerre. On dit de lui que c’est un bon faiseur, un réalisateur appliqué. Sa filmographie compte une trentaine de longs-métrages dont les fameux A l’Ouest rien de nouveau, L’Ange des ténèbres, le célèbre Ocean’s Eleven et Les Révoltés du Bounty.
Okinawa et Pork Chop Hill (La Gloire et la peur in French) sortent en Blu-ray. Okinawa (Seconde Guerre mondiale, bataille du Pacifique) célèbre l’esprit de groupe quand l’ennemi vous pilonne le jour et la nuit. Sous la violence du feu, l’unité est la meilleure des stratégies. Dire que ça bande mou est un doux euphémisme. Le film a vieilli même s’il mérite mille fois d’être redécouvert. Pourquoi ? Parce que sincère. Pork Chop Hill, quant à lui, très supérieur sur le fond et la forme à Okinawa, nous téléporte en Corée. Encore le feu de l’ennemi, encore les corps qui doivent faire corps. L’ensemble est plus serré, plus dynamique, la tension plus palpable, l’immersion plus réaliste. Un bon geste messieurs-dames.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Filmedia.
Red State de Kevin Smith avec John Goodman, Melissa Leo, Michael Parks….
Pfiou ! Lala ! Je suis encore tout émoustillé de ce petit plaisir coupable où Kevin Smith dénonce, devrais-je dire défonce, avec la finesse qu’on lui connaît les dérives extrémistes des pasteurs rigoristes américains. Le fondamentaliste religieux visé par Red State s’appelle Fred Phelps ; ses coups de gueule réguliers contre les horribles sodomites n’ont d’égal que la grandeur de sa bêtise. Phelps tient des propos d’une telle connerie que les médias foncent tête baissée devant sa tribune, attentifs au dérapage programmé. Faut dire que Phelps accuse les homosexuels d’être les responsables de l’enlisement de l’armée américaine en Irak ; d’après lui, c’est un châtiment divin. Phelps n’aime rien ni personne.
Red State raconte la mésaventure de trois ados qui s’organisent un plan cul sur le Net. Le rencard avec la libertine s’avère être un piège. Drogués, kidnappés, prisonniers, les trois olibrius vont regretter leurs pensées déviantes et goûter au courroux du gourou. Entre-temps, au-dehors, un flic a morflé. L’élite de la police est sur les dents. Les adeptes du Christ Sauveur attendent avec une joie non dissimulée l’intervention des autorités.
En 1h20 à peine, tout est dit, tout est sauvage, tout est jouissif. Un John Goodman en chef de brigade retors qui se prend au jeu, une bimbo cintrée du bocal en phase de rédemption, des jeunes hommes boutonneux crétins et insupportables, un Michael Parks génial en homme de peu de foi, Red State est la garantie d’une soirée réussie. Une série B grand cru.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Aventi.
Le Cheval de Turin de Béla Tarr avec Volker Spengler, János Derzsi, Erika Bók…
C’est un peu facile comme entrée, je le reconnais sans fausse honte, mais Le Cheval de Turin est un pur chef-d’œuvre, une claque comme on en reçoit peu dans une vie de cinéphage. L’œuvre m’a terrassé par sa puissance, son itération hypnotisante, la musique de Mihály Vig, le noir et blanc de Fred Kelemen.
Béla Tarr n’est jamais allé aussi loin dans son intention de nous plonger au cœur d’un monde. Avec L’Homme de Londres, Tarr expliquait sa volonté de traduire visuellement la solitude de Maloin. Comment le bougre s’y prend-il pour que son cinéma fonctionne de la sorte ?
Tarr s’attache à ce que les plans vous rentrent dans la peau. Il vous laisse « Voir », il vous laisse « Savoir » et vous laisse prendre le « Pouvoir », un pouvoir visuel à la fois synoptique et ponctiforme. Ses plans nous appartiennent. Notre volonté d’y succomber fait le reste.
Sur le même mode, Le Cheval de Turin nous offre la fin du monde. Un vieux, sa fille, un cheval jusqu’au noir le plus total. Je ne vous dis que ça et je ne vous dis rien.
Béla Tarr a mis un terme définitif à sa carrière (le bonhomme n’est pas atteint du syndrome Charles Aznavour), plié boutique, tout vendu et se consacre désormais à l’enseignement. L’homme mérite un dossier. Tiens, en voilà une bonne idée !
Disponible en DVD chez Blaq Out.
L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford avec John Wayne, James Stewart, Vera Miles, Lee Marvin…
Paramount réédite en Blu-ray l’avant-dernier western de John Ford, réputé pour la densité de son scénario. L’œuvre du Maître (Liberty Valance a été réalisé en 1962) a fait l’objet de nombreuses analyses car il rassemble en un huis clos urbain les légendaires hommes de pouvoir du Nouveau Monde ; l’homme de loi, l’homme de l’Ouest, le hors-la-loi et le journaliste. Il y a de quoi pavoiser sur la nature humaine durant quarante hivers.
1910. Le sénateur Stoddard (James Stewart) et sa femme Alice reviennent à Shinbone rendre un dernier hommage à leur ami Tom Doniphon (John Wayne). Sous les questions d’un journaliste, Stoddard raconte son arrivée mouvementée à Shinbone roué de coups par le bandit du cru, Liberty Valance (Lee Marvin). Sauvé in extremis par Doniphon, Stoddard trouve refuge chez mademoiselle Alice, la jolie restauratrice.
C’est la couardise du shérif local, un poltron de première catégorie, qui a fait la réputation de Doniphon. Aux yeux des habitants, Doniphon, charismatique en diable, est le seul qui fasse autorité. On loue sa vaillance. Stoddard, avocat de métier, compte utiliser la justice de son pays pour faire condamner Valance et sa bande. Nous sommes dans l’Ouest et les problèmes se règlent le colt à la ceinture.
L’Amérique se meut comme elle le peut, avec difficulté. L’Est du pays organise les futures grandes institutions quand l’Ouest, si loin, vit en marge des grandes décisions. Le chemin de fer jouera un rôle prépondérant dans l’homogénéisation de la société américaine.
Ford s’amuse de la complexité du contexte historique. Shinbone attend son heure ; les élus locaux ont à choisir entre inscrire la communauté dans un nouvel avenir, un avenir commun, ou maintenir les intérêts des barons de la prairie. Le film traite du destin de l’individu et de la collectivité.
Et Liberty Valance, sera t-il puni par Stoddard ou Doniphon ? La justice du héros ou de l’antihéros ?
Comme dit le journaliste, « On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende. » C’est là le plus beau des privilèges.
Disponible en Blu-ray chez Paramount.
La Menace d’Alain Corneau avec Yves Montand, Carole Laure, Marie Dubois…
Henri Savin s’apprête à quitter Dominique, sa femme dépressive à qui il doit tout : fortune, renommée dans les affaires, place dans le gotha. Henri, amoureux fou de Julie, jeune et jolie Canadienne, décide sans regret de tout plaquer. Un malheureux concours de circonstances provoque la mort de Dominique. Les accusations se portent sur Julie, présente pendant la tragédie. Effondré, Henri organise un plan de sauvetage.
Pour être bien traqué, il faut un bon chasseur. L’homme de la situation s’incarne en Jean-François Balmer, flic borné et mal luné, persuadé de la culpabilité de Savin et sa maîtresse. Son entêtement pousse le couple à une terrible fuite en avant.
La Menace, troisième réalisation d’Alain Corneau, possède le charme du cinéma des années 1970. Un thriller policier qui ne s’embarrasse pas de héros à la mords-moi-le-nœud et d’une morale à deux balles (voir les chapelets de navetons tournés dans les années 1980 par Belmondo et Delon, entre autres).
L’hystérie de Marie Dubois à bout de souffle tranche avec la douceur glaçante de Carole Laure pleine de grâce. Montand abandonne sa vieille rombière pour l’innocente à peau de lait. Les personnages tous forts en gueule ne sont jamais caricaturaux. Corneau sait doser les humeurs. Une fois de plus Balmer crève l’écran, traînant sa gueule de chien dépressif, insupportable de nonchalance, abject et repoussant.
Le piège kafkaïen se referme sur le couple illégitime. La deuxième partie tournée à Vancouver tient en haleine jusqu’à l’ultime seconde. La Menace, film certifié Haute Qualité Cinématographique.
Disponible en DVD chez Universal.
Excellent choix concernant “L’homme qui tua Liberty Valance”. Pour celles et ceux qui ne l’on pas encore vu, vous allez prendre une claque cinématographique.
Le film a bien vieilli. Mieux que “La charge héroïque” passé sur Arte il y a quelques jours.
Hier soir j’ai vu “Red State”. Merci pour ce bon conseil. Je me suis régalé. Ce film est une TUERIE !!! Et que dire du discours de Kevin Smith au festival de Sundance disponible dans les bonus !!!
Juste un dernier mot sur l’interprétation hallucinante de Michael Parks !!!
Alors oui, trois fois oui pour “Red State”.