Bovines est un film magnifique. Les vaches mènent la danse. Majestueuses, sensibles, volontaires, maternelles, mécontentes, blessées, prisonnières, résignées. La vie d’une vache est riche d’événements infimes : un orage duquel il faut se protéger, un sac plastique courant dans l’herbe… L’approcher, se méfier.
Emmanuel Gras filme le temps, la manière dont il modifie imperceptiblement le déroulement de la vie et du visible. Sa caméra se fige. Petit à petit, par une contemplation patiente et sereine, l’image se plie, s’échappe du réel pour se contracter en une forme abstraite et plastique. Le vivant devient contour. La toile d’araignée, une fragilité cosmique. Les premières gouttes d’un orage animent une flaque d’eau, troublent et rident le reflet du soleil par des cercles concentriques qui jaillissent, se fondent, s’affolent puis s’acceptent. Ces images construites donnent un relief très beau au bocage normand, cœur de la scène. Un nuage devient une forme obscure quand il passe devant la lune. Pour seule musique, insectes et oiseaux rendent hommage au soleil et, bien entendu, les protagonistes de taille n’ont pas la langue dans leur poche.
Jamais je n’avais réellement regardé de vache. Regarder de cette manière si précise que la chose devient tout à coup étrange, comme disséquée. La vache, son regard intransigeant quand elle broute l’herbe, son air résigné quand elle attend que la pluie passe, sa nonchalance à mettre bas – c’est soudain le choc du veau s’affalant sur le sol qui nous apprend de quoi il retournait… Par des gros plans sur la bête – car ce sont des monstres, pacifiques et étonnants – Emmanuel Gras livre un portrait de caractère.
L’histoire. Tout semblait commencer dans le meilleur des mondes. Un troupeau blanc mène une vie de vache : brouter, ruminer, naître, se lécher les uns les autres. Dans ce paisible bocage, l’homme est un étranger. Quand il apparaît, l’étrangeté est manifeste. Tracteur, anorak et « Allez » répétés le rendent… presque abstrait. Puis quelques scènes chargent une tension dramatique manifeste. Une camionnette arrive, immatriculée 14. L’inscription « viande charolaise » au dos. Certains membres du troupeau ne reviendront plus. Et les autres ne peuvent s’arrêter de hurler. Pourtant les pissenlits recommenceront de frémir sous la caresse du vent.
Avec simplicité, Emmanuel Gras signe un film profondément calme. Entre le land art et le pamphlet végétarien, les angles choisis apportent une charge émotionnelle et narrative insoupçonnée… à cette vie normande vue sous l’œil de bœuf.
Les bonus du DVD Bovines
1h01 de Bovines soulève plusieurs questions : qu’est-ce qui est bien passé par la tête d’Emmanuel Gras pour avoir l’idée de ce film ? Et d’ailleurs, qui est Emmanuel Gras ? Y aura-t-il une suite ? Parce qu’il faut bien avouer qu’on n’aurait pas rechigné à voir quelques dizaines de minutes supplémentaires de la vraie vie des vaches… Ca tombe bien, les suppléments du DVD de Bovines offrent, outre des repérages, sorte de travail préparatoire au long-métrage, une belle poignée de scènes additionnelles, notamment croquant le musculeux et fascinant taureau. De quoi prolonger l’expérience Bovines encore un moment.
Tout le monde se demande évidemment comment Emmanuel Gras a eu l’idée de consacrer un film entier à nos amies les vaches, et comment le film a pris forme. On trouve en supplément un très intéressant entretien avec le réalisateur, où il explique notamment sa manière de procéder, comment le ton du film a peu à peu changé et ce qu’il voulait précisément saisir de la représentation des vaches. Une rencontre à regarder absolument pour éclairer encore cette œuvre étrange…
Enfin, parce qu’on est en droit de se demander qui est Emmanuel Gras, les bonus nous gratifient de son court-métrage Tweety Lovely Superstar, réalisé en 2005 et récompensé à plusieurs reprises. Le metteur en scène y remplace les champs par des immeubles et les vaches par des hommes, mais sinon, on y découvre déjà son regard passionné et respectueux.
Bovines, d’Emmanuel Gras. France, 2011. Programmation Acid Cannes 2011. Sortie le 22 février 2012. Sortie en DVD le 5 février 2013.
Bonjour, savez-vous si ce film existe en DVD? merci, é
En DVD, pas encore ! Le film sort à la fin du mois, le 22 février, au cinéma, donc, il va falloir attendre un peu pour le DVD, et plutôt trouver une salle courageuse qui le programme !
OK merci bcp pour la réponse claire er rapide! Comme j’habite à l’étranger, je ne pourrai même pas encourager les salles courageuses…en tous les cas j’espère malgré tout que ce film sera projeté…et si vous avez des infos sur sa sortie DVD ou autre, je suis preneur!
Le DVD sort enfin en France le 5 février 2013 !
ok super, une bonne façon pour démarrer la nouvelle année, bravo!
ON NE DIT PAS METTRE BAS . EN PARLANT DES ANIMAUX, ON DOIT DIRE ENFANTER
Effectivement il va falloir trouver une salle courageuse …. ça existe ça ???? le film A.L.F. a la même problématique !!!
Faut pas trop brusquer le peuple voyons …. société aseptisée que voilà !!
Ai trouvé ça très beau. Emouvant.
Vraiment drôle aussi de se retrouver en citadins à regarder dans une salle de cinéma quelque chose que nous zappons dans la réalité!
A Pontault Combault, nous avons un cinéma associatif qui passe des films comme “Bovines” et “A.L.F.” Accompagné de débats, lors de ciné-rencontre.
Veinard…
Magnifique objet de masturbation contemplative pour citadin et citadine.
Mais non, mais non, les citadins veulent pas voir la vraie vie des vaches, simplement la bête. En revanche, les (ex-)campagnards comme moi, ils sont fascinés par la possibilité de voir ladite bête autrement, justement !
je déteste ce doc qui lui concoure à l’artialisation des espaces.
…
C’est un peu comme les docs sur les métalleux, ça les rend humains, c’est con.
Les rendre humains c’est bien, en faire des icônes, c’est con.
C’est même lait d’en faire des icônes, nom d’un brique !
Respect.
La beauté cachée
Du lait des laits
Se voit sans
Délai des laits