Burning, de Lee Chang-dong

 

Secret Sunset

BurningUn triangle amoureux, une scène de grâce au soleil couchant, des personnages énigmatiques, des rivalités autant amoureuses que sociales, un chat qui n’existe peut-être pas (ou faut-il oublier qu’il n’y a pas de chat ?), des serres à l’abandon dans la campagne proche de la frontière entre Corée du Sud et du Nord, où se fait entendre la propagande par haut-parleurs… Les pistes d’entrée pour parler de Burning ne manquent pas, et pourtant toutes seraient réductrices tant le sixième film de Lee Chang-dong (troisième en compétition) ne s’apprécie que dans sa longueur (et sa langueur). Car oui, il dure 2h30, et on n’est guère ébloui par la première heure. Pourtant, à partir de la moitié du film, tout ce que l’on a vu jusque-là s’éclaire d’un jour nouveau – moitié du film justement marquée par une longue séquence majestueuse au coucher du soleil. Jongsu, jeune coursier aux ambitions d’écrivain, rencontre par hasard son amie d’enfance Haemi, et en tombe amoureux. Mais lorsque celle-ci rentre de voyage, elle ramène Ben dans ses bagages, jeune arrogant qui vit à Gangnam (là où on a du style). Rivalité classique entre amants, qui se double d’une rivalité sociale tant Ben se montre accueillant et bienveillant, mais ne cache jamais ce petit sourire narquois trahissant plutôt sa condescendance. C’est ensuite que cela se corse, mais il est difficile de ne pas trop en dire. Jongsu se mue alors en véritable personnage hitchcockien, persuadé – à tort ou à raison – qu’on lui ment, qu’il est manipulé. Troublé par ce que lui a raconté Ben sur les serres à l’abandon près de chez lui, par ce qu’est devenue Haemi, Jongsu court, planque, observe. La force de Lee Chang-dong et de ses acteurs, dont Steven Yeun (Glenn, de The Walking Dead), parfait d’ambiguïté, est de rester dans le mystère et le trouble, n’accréditant jamais l’une ou l’autre des théories, n’en éliminant aucune. On ne sait ce qui relève de la naïveté de Jongsu, personnage plutôt passif, de la paranoïa ou de la clairvoyance, peu importe, on suit une obsession et une sorte de fascination – comme celle que peut provoquer un incendie. Ou un film.

 
Burning (Hangeul) de Lee Chang-dong, avec Yoo Ah-in, Steven Yeun et Jun Jong-seo. Corée du Sud, 2018. En compétition du 71e Festival de Cannes.