Comment j’ai flippé ma race
D’ordinaire, les films d’horreur ne me font aucun effet. Ou presque. Je m’attends tellement à sursauter sur mon siège et souvent pour du flan (un chat qui bondit d’un coup sur un canapé, une main d’un héros qui s’abat sur l’épaule d’un autre héros déjà terrorisé), que la tension s’évapore peu à peu. Et je suis toujours interloqué par ces personnages qui n’allument jamais la lumière, préférant rester dans le noir face au danger ou marchant tranquillement dans la maison hantée, en ouvrant au ralenti la porte grinçante interdite, plutôt que de se carapater fissa. On me dit que L’Exorciste est LE sommet du genre, le film qui vous fait répandre votre urine à tout va sur votre canapé, tant la trouille atteint son paroxysme. Mais j’ai dû voir le film de Friedkin un brin trop tard : il m’a surtout arraché quelques sourires.
Alors quand je lus sur les affiches de Conjuring qu’il était le film le plus terrifiant de ces dernières années, je n’y vis que des promesses électorales. Tous les films de fantômes, d’esprits frappeurs, de tronçonneurs ou de monstres issus des Enfers, portent tous ce même slogan mensonger. Certains publicitaires osent même rajouter la caution « basé sur des faits réels » pour qu’on en tremble d’avance. Et souvent, on rentre chez soi déçu, la frousse en bredouille.
Amateur de paranormal, fan d’X-Files de surcroît, Conjuring avait tout pour m’attirer dans les salles obscures : reconstitution minutieuse des années 1970, biopic d’un réel couple de chasseurs de fantômes, Ed et Lorraine Warren (qu’on y croit ou non, leurs enquêtes dont certaines sont restées célèbres et inexpliquées, sont déjà angoissantes à lire), casting haut de gamme (dont l’énigmatique Vera Farmiga), réalisateur qui a déjà fait ses preuves (James Wan a notamment commis les dérangeants Saw et Insidious et connaît donc son affaire) et surtout, je ne savais pas à quoi m’attendre, n’ayant vu aucune photo, aucune bande-annonce.
Deux heures plus tard, je ressors de la projection tétanisé, comme beaucoup d’autres dans la salle. J’ai hurlé à l’unisson devant l’une des scènes les plus flippantes que je n’ai jamais vues, véritable sommet d’angoisse crescendo (la partie de cache-cache/clap-clap dans la cave, argh !), et le souvenir de certaines images continue de me hanter (poupée Annabelle, si tu me lis, reste bien blottie dans ta cage en verre, merci). Alors pourquoi Conjuring a-t-il fonctionné sur moi, l’imperméable aux films d’horreur ? Parce que pour une fois, on prend le temps d’installer les personnages. Ici, pas de bimbo en micro-short qui lit un bouquin en latin à haute voix pour invoquer un esprit par inadvertance. Pas de Musclor écervelé qui tente de sauver le monde. Pas de prêtre exorciste à la mine patibulaire. Pas de petite fille qui vomit ses vermicelles et insinue en ricanant que votre mère abuse de fellations dans les abysses infernales. Non. Ici, on prend le temps de poser une atmosphère, on apporte de la crédibilité à chacune des scènes pour que l’effet de peur recherché fonctionne, bande-son tonitruante comprise. Les protagonistes allument la lumière au moindre bruit, ils ne cherchent pas à s’effrayer les uns les autres pour une blague douteuse, ils sont entraînés avec les spectateurs dans un tourbillon surnaturel progressif et redoutablement efficace, ne laissant aucun répit une fois que le puzzle se met en place. Conjuring est un train-fantôme intelligent, subtil et redoutable. J’en ai certes compromis mes sous-vêtements, mais cela en valait diablement la chandelle…
Conjuring : les dossiers Warren de James Wan, avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Ron Livingston… Etats-Unis, 2013. Sortie le 21 août 2013.
Ton article sur Conjuring m’a définitivement fait passer l’envie (malsaine) d’aller voir ce film. Je crois que je ne m’en remettrais pas…
Ben allez… un effort.
Tu peux y aller les yeux fermés (dans tous les sens du terme) ! Mais pas seul par contre, j’ai commis cette erreur.
Ce n’est pas le meilleur thriller de l’histoire mais c’est efficace et élégant.
Elégant c’est exactement ça.