Dans le documentaire qui accompagne cette sortie DVD / Blu-ray du premier film de John Carpenter, un des intervenants désigne Dark Star comme un « anti 2001 ». Cette formule semble justifiée par l’intérêt que le film de Kubrick a suscité autant chez Carpenter que chez Dan O’Bannon, l’autre artisan de ce film de fin d’étude. O’Bannon qui sera quelques années plus tard le scénariste d’Alien, une singulière histoire d’extraterrestre « embarqué » dans un vaisseau spatial, comme cela arrive aussi dans Dark Star… C’est un des mérites de ce documentaire en bonus, Let There be Light, de fourmiller d’anecdotes au sujet de la fabrication du film, des infos données par les techniciens et acteurs de l’époque. Un doc généreux, un peu long mais très instructif.
Mais revenons à 2001… La familiarité entre les deux films est évidente : tous les deux traitent du quotidien d’astronautes en mission, des problèmes techniques qu’ils rencontrent avec l’ordinateur et tous les deux ont un discours philosophique. Différence de budget oblige, chaque film va avoir une approche visuelle bien à lui, mais c’est surtout le ton qui va fondamentalement changer. Au sérieux quasi religieux de 2001, Dark Star oppose une approche très « hippie », très comique. L’alien du film est assez représentatif du projet : il s’agit d’un ballon de plage peint et grimé avec des pieds palmés. Souci d’économie certes, mais aussi signe d’un humour potache du plus bel effet. Depuis la série Le Prisonnier, on n’avait pas vu un ballon aussi hargneux et menaçant ! En matière de philosophie, Dark Star nous propose un dialogue entre un astronaute et une bombe qui menace de détoner prématurément, à laquelle il faut donc insuffler le doute de sa propre existence et surtout de celle des autres… Ici le film rejoint l’univers du Dr Folamour, grande farce kubrickienne – la fin en est d’ailleurs une citation directe.
Voir ou revoir Dark Star s’avère donc nécessaire. Pour les fans de Carpenter, de toute façon, mais aussi pour le cinéphile en quête d’associations incongrues, de petits films malins et audacieux, qui avec trois fois rien font exister un univers. La maîtrise de l’espace propre à Carpenter est déjà là, notamment lors d’une séquence d’anthologie dans un conduit d’ascenseur. Cette édition très complète propose en plus deux montages du film : la version director’s cut, qui correspond au film tourné pour son cursus et la version cinéma, plus longue de quelques scènes dialoguées.
Dark Star de John Carpenter, avec Brian Narelle, Cal Kuniholm, Dre Pahich, Dan O’Bannon… Etats-Unis, 1974. Ressortie DVD le 22 janvier 2014.