Attention la critique qui suit usera de bien trop d’adjectifs dithyrambiques, mais comment évoquer le nouveau film de Nicolas Winding Refn sans en rajouter des caisses. A l’instar du morceau d’ouverture, Nightcall de Kavinsky et Lovefoxxx à la fois ringard et hypnotique, désuet et électrique. Oui, ce Drive a quelque chose d’électrique. Une énergie incroyable. On pense à Tarantino pour les os qui craquent et le sang qui gicle, à Lynch pour ses nappes éthérées. A Kubrick aussi, pour cette exceptionnelle disposition à inventer en permanence. Drive, c’est tout cela à la fois. Comme si le chauffeur mutique, incarné par Ryan Gosling, sillonnait les chemins de traverse de l’histoire du cinéma. Nicolas Winding Refn ne se contente pas de clins d’œil à ses classiques, ni de réinventer le cinéma d’action. Il le transcende. Le rend poétique. Vraisemblable. Bien plus pur et proche de nous. D’une précision époustouflante, son film emprunte des routes inattendues. A commencer par son générique aux polices roses qui fleure bon les Touchstone Pictures des années 1980-1990. En racontant l’histoire d’un cascadeur de cinéma qui joue les pilotes pour des braqueurs la nuit – en 5 minutes, montre au volant -, il fait renaître la figure du vrai héros. De ceux à qui il ne faut pas chercher des noises. Jouant perpétuellement sur les contrastes, Nicolas Winding Refn insuffle une énergie incroyable à chaque séquence. Aux sourdes détonations répond l’amour sans faille du cow-boy au cure-dent pour sa jolie voisine. Aux silences, de violentes explosions. Têtes éclatées, attaques à l’arme blanche, coups de feu assourdissants. Ses courses-poursuites furtives relèvent du virtuose. Après Pusher, Bronson, Le Guerrier silencieux, Nicolas Winding Refn poursuit sa peinture de héros hors du temps, hors normes. Sans être à l’origine du projet, le réalisateur danois marque de son sceau royal ce Drive dont on aimerait qu’il ne s’achève pas. Au départ, ce devait être un film réalisé par Neil Marshall avec dans le rôle principal Hugh Jackman. Mouais. Pas dit que ça aurait eu la même gueule.
Drive de Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling, Carey Mulligan. Etats-Unis, 2011. Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes 2011.