Quel étrange film, ce Rampo… Aujourd’hui quasi oublié, il est pourtant l’un des plus beaux films qui soient. Ce genre de films qu’on découvre par hasard – ou pour le travail – et qui vous emporte dès les premiers plans. Arrivé au dernier, rien n’est plus comme avant. Pourquoi ce film n’est-il pas plus connu et surtout reconnu comme un classique ?
Le film a pour sujet l’auteur japonais Edogawa Ranpo (1894-1965), un des grands noms de la littérature policière nippone et surtout du roman à mystère dans le style d’Edgar Allan Poe dont il était un fervent admirateur. Mais le film n’est pas un biopic qui va sagement retracer la vie de l’auteur. Il s’agit plutôt d’un film sur l’imaginaire de Ranpo, sur l’écriture en générale, sur la création artistique.
L’histoire : Edogawa Ranpo se fait signifier la censure de ses œuvres. Peu après, il entend parler d’un fait divers qui ressemble exactement à l’histoire de son dernier roman interdit que personne n’est censé avoir lu… Réalité et fiction se croisent, se mélangent et finissent par ne faire qu’un.
La beauté plastique du film est la première chose qui frappe, tous les plans sont d’une beauté rare, d’une élégance intemporelle absolument envoûtante. Formellement on passe de l’animation au noir et blanc puis à la couleur sans que cela ne pose problème. Et la musique… une partition au romantisme exacerbé et majestueux, une véritable symphonie qui résonne à travers les images et les sublime. Les acteurs sont magnifiques, on retient surtout le visage de Michiko Hada, dont la beauté irradie au-delà de l’écran de manière presque surnaturelle.
Rampo est un diamant, un film labyrinthique, flamboyant, nostalgique, cruel… Mais dire tout cela, tenter de dire ce qu’il est ne rend que très peu justice à la force émotionnelle qui se dégage de chaque plan, cela ne rend pas compte de l’interaction parfaite entre montage, musique et couleurs, c’est insuffisant pour faire comprendre la fascination qui émane de cette œuvre complexe et limpide à la fois.
Rampo est un film à redécouvrir impérativement. C’est une expérience unique qui justifie et décuple l’amour que l’on porte au septième art. Dans la ligné de Sueurs froides, Laura ou Mulholland Drive, c’est une grande histoire d’amour entre le créateur et son œuvre, un hymne à l’image et une ode à l’imaginaire.
Rampo est un chef-d’œuvre absolu.
Rampo de Rintaro Mayuzumi et Kazuyoshi Okuyama, avec Naoto Takenaka, Michiko Hada, Masahiro Motoki, Teruyuki Kagawa, Julie Dreyfus… Japon, 1994. Présenté en compétition au Festival fantastique du film de Gérardmer en 1995.