Frankenstein’s Army, de Richard Raaphorst

 

Monsieur Bricolage et ses petits tracas…

Frankenstein's Army, de Richard RaaphorstGisement scénaristique généreux ou objet de fascination morbide, le IIIe Reich revient régulièrement sur le métier des réalisateurs de séries B à Z pour effrayer, exciter et même énerver le chaland. Encore récemment, le catastrophique Iron Sky remettait svastikas et savants fous à l’accent bavarois au goût du jour dans une énième variation prospective, et plutôt futée sur le papier, où il était question du retour sur terre des nazis, soixante ans après leur exil secret sur la face cachée de la Lune.

Found footage soviétique et argentique, planté dans les décors désolés du front de l’Est, Frankenstein’s Army colle, lui, aux croquenots boueux d’une escouade d’éclaireurs bas de plafond de l’armée rouge qui ont pour particularité, en VO du moins, de vociférer en anglais avec parfois un drôle d’accent slave – quand ils y pensent. Puis, de tomber naïvement dans le panneau d’un message de détresse bidonné – tiens, comme dans Alien – pour finir débités en salami dans une innovante usine de charcuterie industrielle mariant à merveille l’organique et le mécanique. Une prouesse orchestrée avec autorité et savante technicité par le docteur Viktor Frankenstein, « petit-fils de » et fournisseur officiel du Reich en « zombots », zom comme zombies et bots comme robots… Une vraie trouvaille. Totalement absorbé par sa tâche, à la fois ingénieur, contremaître et ouvrier, « Herr Doktor » démembre, trépane, décalotte, greffe, assemble et produit consciencieusement, avec une habileté quasi surnaturelle, un vaste catalogue de créatures hybrides qui, débarrassées de leurs vilains oripeaux vintage et de leur « führer » agressive, combleraient à coup sûr ménagères et autres bricoleurs du dimanche comme le fit Edward et ses mains d’argent en son temps.

Pourtant, au cœur de ce tumulte d’huile de vidange et de sang frelaté où s’entrechoquent tripes fraîches et rondelles de 12, se niche une fulgurance tellement puissante qu’elle collerait une migraine historique aux plus grands historiens de l’histoire. Une idée de dingue pour en finir avec la guerre et déclarer la paix, un climax métaphysique de haute volée mis en parole et en actes par Frankenstein junior lui-même après une éprouvante heure de film : greffer l’hémisphère droit d’un nazi à l’hémisphère gauche d’un soviet et vice-versa… De ses mains expertes, le bon docteur se lance à l’abordage de cette folle expérience. Il réussit avec brio la partie biologique puis se plante lamentablement dans la phase de mise en vie à cause d’un mauvais dosage électrique… Minable le Franky, pas fichu de réussir dès que ça devient un peu sérieux. De toute façon, ça sent la fin et c’est tant mieux. Alors, oublions la frustration de cet épisode foireux et projetons-nous dans un monde que Josef Hitler et Adolf Staline ou, plus contemporains, Jean-Marie Ceausescu et Nicolae Le Pen, sauraient rendre meilleur… Scary movie, n’est-ce pas ! Un petit found footage (de gueule) de plus pour en parler ? Non merci Richard, sans façon.

 
Frankenstein’s Army de Richard Raaphorst, avec Karel Roden, Joshua Sasse, Luke Newberry… Hollande, 2013. Sortie DVD le 4 décembre 2013 chez Wildside Vidéo.