1986. John McNaughton signe le film référence. Depuis, aucune œuvre ne raconte aussi justement ce que peut être l’ordinaire d’un tueur en série, entre scènes de la vie quotidienne, bouffées délirantes et virées meurtrières. Le cinéaste revient dans les bonus sur la genèse du projet et son désir d’exécuter dans un premier temps un petit film d’horreur avant de pointer une attention particulière sur les forfaits d’Henry Lee Lucas et son complice et amant Ottis Toole. John McNaughton a trouvé son sujet.
Pour vous donner une idée du potentiel de l’entreprise, le scabreux imprimé dans les pages « faits divers » des journaux de l’époque dépasse non seulement l’entendement (je vous passe les détails des rapports de police) mais aussi la fiction. Le cinéaste disposant d’une ahurissante marge de manœuvre n’osera traiter (ne serait-ce même que suggérer) des mœurs nécrophiles de Lucas. C’est dire ! Et pourtant, Henry, portrait d’un serial killer se classe parmi les films les plus rudes du genre. Même si le scénario ne suit pas exactement la vie d’Henry Lee Lucas, le réalisme cru des séquences travaillées aux limites du documentaire charrie à chaque instant une saisissante véracité. L’horreur saute à la gueule quand les souffrances infligées aux victimes se mêlent aux bruits d’une ville en mouvement. Les cris sont tus sous la frénésie urbaine. La mort fauche en silence. Anonyme. A l’étouffée. Betty la copine, jeune paumée qui ne pipe mot, participe au massacre. Sa complicité malsaine comme son amour déraisonnable rappelle à nos mémoires les compagnes de Marc Dutroux et Michel Fourniret. C’est le funeste destin des sottes demoiselles.
Le Silence des agneaux et Seven (entre autres) glamourisent (oui, moi je glamourise, c’est ainsi, je glamourise à tout va) le crime à coup d’effet de manche, abusant d’un esthétisme sensationnel parfois douteux, tout à fait putassier mais tellement bon. Ces meurtres élaborés, fomentés à la chaîne par des assassins passionnés, constituent le grand jeu de piste collectif rêvé par les Majors (Fox, Universal et cie…), fantasme assouvi d’un cinéma de divertissement en manque de sensations fortes. Le spectateur ne sait plus à quel saint se vouer ; la famille éplorée, la police énervée, la justice dépassée, sans oublier les profilers, nouveaux premiers de la classe reléguant les commissaires et autres inspecteurs au rang de has been à képi. Henry et Henry, le film et l’homme, ne montrent rien de cela. Nous nous faisons les uniques témoins du Mal. Nous chevauchons à cru un monstre qui ôte des vies. Ici, aucune poursuite, aucune sirène. Rien pour enrayer notre effroi. Que tchi ! Peau de balle ! Henry punit les femmes pour toutes les souffrances infligées jadis par sa mère.
En bonus, le spécialiste des « serial killers », Stéphane Bourgoin, présente les parcours d’Henry Lee Lucas et Ottis Toole, nous précisant avec insistance que les deux hommes, fous à lier, n’ont rien de commun avec les tueurs en série si souvent employés au cinéma. Lucas et Toole sont deux crétins. Deux marginaux à la dérive sans le sou. Point barre. Aussi, au cours de l’interview édifiante d’Ottis Toole réalisée par Stéphane Bourgoin, nous sommes en mesure de saisir l’extrême dangerosité du personnage et d’apprécier la folie à distance. Sous ses airs précieux, ses manières efféminées, ses expressions de ravi de la crèche, Toole dissimule une bête immonde.
Un autre document tiré d’une émission américaine nous donne l’occasion de rencontrer le monstre Henry en personne ; un petit homme affable à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. Quand Henry Lee Lucas tue (ses proches ou des étrangers), il viole, il souille. Ottis Toole, toujours à proximité, prépare le dîner. En prison, nous apprenons qu’il projette, sourire aux lèvres, dentier refait à neuf, d’écrire un ouvrage sur la cuisine cannibale, un florilège de recettes personnelles.
Pour ne rien gâter vous trouverez un making of fabuleux de 55 minutes et une deuxième galette bourrée de documents dont une interview de John McNaughton (34 minutes), une conversation entre John MacNaughton et le critique Nigel Floyd (22 minutes), 20 minutes de scènes coupées, un documentaire qui revient sur la censure en Grande-Bretagne puis le doc sur Henry Lee Lucas (26 minutes édifiantes !), l’interview de Stéphane Bourgoin (30 minutes) et Stéphane Bourgoin face à Ottis Toole (7 minutes pétrifiantes). Un DVD indispensable !
(A lire aussi de Stéphane Bourgoin : La Main de la mort ; Henry Lee Lucas aux éditions Méréal.)
Henry, portrait d’un serial killer de John McNaughton, avec Michael Rooker, Tracy Arnold, Tom Towles… Etats-Unis, 1986. Ressortie DVD le 8 avril 2014.
Du même metteur en scène, SexCrimes (Wild Things) est également à réévaluer. D’ailleurs, j’écrirai certainement prochainement sur le sujet…
Teasing.
(quel rapport avec Le Loup de Wall Street ? me direz vous…)
Mais quel rapport avec Le Loup de Wall Street ?
Mais quel rapport avec Le Loup de Wall Street ?
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