Hupperisation
Qui ?
Paul Verhoeven, c’est une écrasante charge politique (Starship Troopers, Black Book), de l’érotisme fulgurant et controversée (Spetters, Basic Instinct, Turkish Délices), de la science-fiction visionnaire (Total Recall, Robocop). Souvent, tout ça à la fois. Et ce qu’on attend moins de ce cinéaste violent, outrancier et décomplexé, c’est le paradoxe d’un homme qui respecte la foi et les croyances et publie Jésus de Nazareth en 2010, fruit de trente années de recherches du « Jésus historique ». Sans se départir de son engagement, puisqu’il y suggère notamment que les miracles n’existent pas et que le Sauveur aurait des penchants homosexuels.
Quoi ?
En mal de réalisation depuis qu’il a décidé de faire de son Jésus de Nazareth un livre au lieu d’un film, et que l’expérience de Tricked (un scénario participatif) s’est avérée plus enrichissante que véritablement qualitative, c’est en lisant Oh… du Français Philippe Djian que le Néerlandais a trouvé la matière à un nouveau long-métrage. Elle, adaptation libre de notre Djian national, avec au casting Isabelle Huppert dans le premier rôle, Laurent Laffite, Charles Berling, Anne Consigny, Virginie Efira, Vimala Pons. Un casting de rêve pour l’histoire de Michèle, présidente d’une florissante société de jeux vidéo, violée un jour par un inconnu, qui se met en tête de retrouver son agresseur.
Résultat des courses
Une femme forte et froide, bourgeoise violentée, un poil déséquilibrée : le type de rôle dans lequel on imagine très bien Isabelle Huppert. Verhoeven aussi, qui lui offre ce portrait de femme pragmatique à la résilience sans failles. Michèle/Huppert surmonte les épreuves, envers et contre tout. Et pourtant, jamais de pathos ni de mélo. Paul Verhoeven désamorce la violence grâce à la sobriété des interprétations, à l’humour grinçant omniprésent, à une mise en scène structurée comme une peinture de Mondrian : chaque chose est à sa place pour former un tout plus vrai que nature. Ni totalement thriller, ni totalement comédie, ni totalement subversion, Elle est un savant mélange de malaise et de loufoque, sorte d’improbable rencontre entre Michael Haneke et Judd Apatow. Depuis 24 ans que Paul Verhoeven n’était pas revenu présenter un film sur la Croisette (la dernière fois, c’était Basic Instinct en 1992), on l’avait un peu oublié, à tort. Le retour du Hollandais Violent au 69e Festival de Cannes s’accompagne d’un « Oh… » troublé et fasciné.
Elle de Paul Verhoeven, avec Isabelle Huppert, Laurent Laffite, Charles Berling, Anne Consigny, Virginie Efira, Vimala Pons… France, Allemagne, 2015. En compétition au 69e Festival de Cannes. Sortie le 25 mai 2016.