Il est de ces films supposés enchanteurs qui, découverts par un novice regard, peuvent prendre une dimension toute autre. Le Magicien d’Oz de Victor Fleming en est un, puisqu’il fut, mon enfance durant, autant source d’émerveillement que de traumatisme léger. Dorothy, son chien Toto et ses trois compagnons de fortune – l’homme de fer, l’homme de paille et l’homme-lion – partent en quête d’un magicien qui pourrait, leur a-t-on fait croire, combler leur manque profond. Sur la route de briques jaunes pavée d’espérance, le trio avance, bras dessus, bras dessous et entonne de concert “We’re off to see the wizard, the wonderful wizard of Oz”. C’est la part grisante de cette fantaisie musicale aux mélodies joyeuses, qui de bout en bout fait la courte échelle au déceptif, à l’artifice farceur, au désenchantement latent. La « sorcière de l’Est » gisant, anéantie, sous une maison échouée, privée de ses chaussons rouge rubis, ses deux jambes vertes rétractées ; les nains « Munchkins » à la voix pitchée, le pommier parlant, le rire tonitruant de l’avide « sorcière de l’Ouest » au teint émeraude peuplent tous, avec une variable intensité, ce cauchemar en Technicolor. Mais c’est précisément des reflets dorés et de l’éclat enjoué des images et des sons que sourd un insidieux malaise. Peur et plaisir, attraction et répulsion habitèrent mes multiples visionnements – en VHS essoufflée – de ce film autrefois. Le revoir aujourd’hui ne change guère la donne. Le kitsch saute aux yeux, mais l’inconfort réjoui demeure.
Le Magicien d’Oz de Victor Fleming
Classé dans : Films
– 16 mars 2011