Main dans la main, de Valérie Donzelli

 

Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm dans Main dans la mainCela débute comme un conte, avec sa part d’artifices revendiqués et sa promesse d’enchantement. Main dans la main est l’histoire d’un sortilège. Celui qui unit à l’instant même de leur rencontre Hélène, directrice corsetée de l’école de danse de l’Opéra Garnier (Valérie Lemercier, formidable d’autodérision larvée), et Joachim, jeune employé d’une miroiterie lorraine (Jérémie Elkaïm, tout en charme discret). Un baiser fortuit, dans un recoin feutré de l’Opéra, ouvrira le bal de cette fantaisie où synchronie et contretemps se font la courte échelle.
Elle est magnifique, cette idée initiale. Celle d’imaginer deux personnages qu’un sort mystérieux lie malgré eux. Car Hélène et Joachim, que tout oppose a priori, ne peuvent faire un geste sans entraîner l’autre. Ni fusion, ni passion, autre chose : une liaison, au sens stricte.

Un léger zoom inaugural sur la façade du palais Garnier annonce l’approche imminente du mystère. Et dans ces lieux chargés de fantasmes, comme dans ceux que les personnages fréquenteront par la suite, circule une vitalité espiègle. Valérie Donzelli a le goût du mouvement, de la course, des chutes et des corps qui se relèvent pour reprendre leur élan. C’est dans ce souffle que La Reine des pommes qu’elle interprétait dans son premier film partait en guerre contre un chagrin d’amour, que le couple qu’elle incarnait avec Jérémie Elkaïm dans La guerre est déclarée triomphait de la maladie de leur fils. Et c’est avec cette même énergie qu’Hélène et Joachim tentent de rompre leur union forcée avant de s’y résoudre et se laisser charmer.

Main dans la main avance ainsi, dans un singulier équilibre entre décalage et harmonie, enchantement et mélancolie, instants de fulgurances, d’accélérations et zones d’errance où les sursauts enfantins se confrontent de plein fouet à la cruauté du réel (on y tombe, on s’y blesse, on y meurt aussi) et laissent derrière eux les effets de leur sidération.
C’est dans ces instants instables, où le scénario se cherche, où les contrastes se jouent d’eux-mêmes (la capitale et la campagne provinciale, la bourgeoisie lasse et les gens de peu, gens de bien) que s’offre, pour qui voudra rentrer dans la danse, un bel espace de liberté à l’imaginaire de chacun.
Main dans la main est un film où l’on respire, où l’on circule. Où les vibrations des corps, des voix (celles, rassurante, du narrateur ; celles, joliment timbrées, de Jérémie Elkaïm, Serge Bozon et Antoine Chappey, au casting) et des phrases musicales (se mêlent aux mélodies originales du Suédois Peter von Poehl, les sautillements du Lac des cygnes, de Casse-noisette ou les rythmes trépidants de tubes 80’s) se déploient avec grâce ou maladresses. C’est pop, émouvant, fou et revigorant.

» Lire aussi l’interview de Valérie Donzelli
 
Main dans la main de et avec Valérie Donzelli, avec aussi Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm, Béatrice de Staël… France, 2012. Sortie le 19 décembre 2012.