Mon grand-père, ce héros
Au-delà d’une enquête sur un personnage public, historique et emblématique du Chili, Marcia Tambutti Allende est surtout à la recherche de son grand-père, Salvador Allende. “Chicho” pour les intimes. Il s’agit de découvrir quel homme il était, quel mari, quel père, quel grand-père, donc, à travers les photos et films privés. En interrogeant sa propre famille, elle se confronte en fait à un tabou inattendu. La famille Allende a connu le deuil et l’exil et se retrouve face à des plaies encore ouvertes. La réalisatrice, qui met en scène ses conversations avec ses tante, frère, mère, grand-mère et cousins, se confronte au silence, au refus de faire resurgir des souvenirs douloureux, qu’il s’agisse des événements mêmes du 11 septembre 1973, de l’exil, du suicide de l’une des filles d’Allende à Cuba, ou de la vie familiale avant le coup d’Etat qui est celle d’une famille entièrement tournée vers la politique (les maisons hypothéquées et vendues pour financer les campagnes, l’absence du père et mari, les secrétaires personnelles qui sont aussi les maîtresses). L’émotion et la pudeur sont palpables dans chaque silence, chaque esquive, chaque refus d’obstacle, et ils sont nombreux. Allende, mi abuelo Allende souligne aussi l’importance de la photo, alors même que chacun stocke aujourd’hui des gigaoctets sans jamais les consulter. Ici, les photos de famille – dont de nombreuses ont disparu lors du coup d’Etat – sont l’objet d’un véritable enjeu émotionnel. Il y a celles que l’on refuse de voir, celles que l’on cache, celles dont on ne veut pas se séparer. Et, enfin, il y a l’album qui réunit toute la famille, permet l’expression et le partage de sentiments enfouis. Marcia Tambutti Allende signe là un film à la fois très personnel et universel sur les douleurs et les non-dits, sur la transmission et la mémoire. Un portrait de famille bouleversant.
Allende, mi abuelo Allende de Marcia Tambutti Allende. Chili, Mexique, 2015. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2015. Lauréat du prix documentaire L’Oeil d’or 2015.