Au premier abord, le nouveau conte d’Anderson a quelque chose de touchant. Par son esthétisme, son inventivité, son burlesque, il ressemble à ces histoires que l’on invente petit sans se soucier des frontières, des règles et de la vraisemblance. De celles où l’on s’imagine preux chevalier, où les gens ne meurent jamais vraiment et où l’on multiplie les inventions dignes de Géo Trouvetou.
Années 1960 sur une île verte et champêtre, deux adolescents (une fille et un garçon « psychologiquement instables » d’après les adultes) correspondent depuis leur rencontre à la fête paroissiale. D’un commun accord, pour le meilleur et pour le pire, les voilà qui décident de fuguer. Quelques lignes de scénario (et pas beaucoup plus) pour évoquer l’amour, la famille, les différences et la soif de liberté.
Le réalisateur américain se fait subtil et poétique quand il met en scène les tout premiers émois des deux gamins fugueurs dans une crique abandonnée sur fond de Françoise Hardy crachouillée par un mange-disques ; décalé et absurde quand il organise une opération de sauvetage aux allures de chasse à l’homme ou nomme Snoopy la réplique canine de Milou… Prince de la symétrie, passé maître dans l’art de la composition picturale, Anderson soigne chaque plan. Pas un objet mal placé, pas une couleur mal assortie, pas un costume mal ajusté. Dès l’ouverture de cette nouvelle création et sa succession de travellings pour une visite guidée en forme d’arbre généalogique de la famille Bishop, il pose les bases de son petit théâtre aux allures de cartoon. Quitte à livrer une copie de premier de la classe (belle écriture, belle présentation et bonnes réponses).
Mais pour tout dire… Si Anderson maintient une certaine tension en se plaçant à hauteur d’enfant, Wes Anderson ennuie (un peu, beaucoup…) lorsqu’il repasse du côté des adultes (Bruce Willis, Frances McDormand et compagnie). Exception faite d’Edward Norton qui semble avoir oublié de grandir. Une façon certes de souligner la nostalgie d’une candeur disparue à jamais : sujet qu’Anderson ne développe pas suffisamment pour en faire un vrai sujet, comme c’est aussi le cas des nombreux thèmes effleurés dans ce joli long-métrage.
Bref, si l’on devait résumer : Anderson aime jouer à la poupée (habiller, coiffer, bouger, inventer des histoires) et son Moonrise Kingdom pioche dans les dysfonctionnements familiaux des Tenenbaum, respire la nonchalance et la douce folie d’un Darjeeling Limited ou d’une Vie aquatique, mais sans la pétulance des dialogues et l’humour caustique d’un Mister Fox.
Moonrise Kingdom de Wes Anderson, avec Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray, Frances McDormand, Tilda Swinton, Jason Schwartzman… Etats-Unis, 2012. Film d’ouverture en compétition au 65e Festival de Cannes. En salle le 16 mai 2012.
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Pouh, bah c’était bien pénible!
…pas la lecture, le film….
Moi j’aimerais tempérer ces propos malveillants en précisant combien j’ai été touché par ce film. Voilà, c’est fait.
Je viens enfin de voir ce film. En général, je reste assez distant des films d’Anderson, toujours bluffé par l’esthétisme et le jeu des comédiens, mais restant souvent sur ma faim. Là, tout y est. Inventivité, émotion, originalité, une envie de retomber en enfance et de recommencer sa vie. Merci à lui et dommage que son film le plus abouti n’ait pas trouvé récompense cannoise…