L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel

 

Les maris, les femmes, les maîtresses

L'Ombre des femmes, de Philippe GarrelPhilippe Garrel souhaiterait que l’on parle plus du contexte de crise européenne dans laquelle se font les films aujourd’hui, avec des budgets divisés par deux. Ici, le réalisateur en fait une force, poussé à ne retenir que l’essentiel. 1h13 de film, des décors cheap et pas de maquillage – le tout camouflé dans un beau noir et blanc. Un cinéma de crise qui impose l’épure. Voire le pur. Philippe Garrel filme le désir d’absolu de Clotilde Courau. A sa mère qui lui reproche d’avoir sacrifié ses études pour assister son mari, réalisateur fauché de documentaires, elle défend un choix conscient et la volonté de tout partager en couple, de tout faire à deux. Au mari volage, elle reproche plus le manque d’honnêteté que l’infidélité. Philippe Garrel souligne dès le titre que les femmes sont maintenues dans l’ombre des hommes, qu’elles soient amoureuses clandestines ou compagnes dévouées. C’est pourtant sur elles que le réalisateur met la lumière. En particulier sur Clotilde Courau, rarement si juste et si entière à l’écran. Elle sait les choix qu’elle a faits, en assume les conséquences. Dupe de rien, c’est d’abord avec le sourire qu’elle jette au visage de son mari son infidélité, lorsque celui-ci se ridiculise en lui offrant des fleurs, respectant à la lettre le cliché du mari trompeur. C’est ensuite le souffle coupé qu’elle le renvoie à sa lâcheté, celle d’un homme qui se cache derrière des croyances archaïques selon lesquelles la sexualité des hommes est forcément volage et celle des femmes forcément amoureuse. Sous l’œil de Philippe Garrel, les femmes semblent maîtres du jeu. Ce sont elles qui décident et précipitent l’action, elles qui portent les révélations qu’un Stanislas Merhar bien naïf et reclus dans ces certitudes ne veut pas voir. Lors de sa projection cannoise, L’Ombre des femmes est précédé d’un court-métrage de Philippe Garrel, tourné en mai 1968. Sur la scène du Théâtre Croisette, il a souligné n’avoir pas renié ses idéaux depuis. Le féminisme en fait manifestement partie.

 
L’Ombre des femmes de Philippe Garrel, avec Clotilde Courau, Lena Paugam, Stanislas Merhar… France, 2015. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2015. Sortie le 27 mai 2015.

Mots-clés : , ,