Scott toujours ? Qu’il semble loin le temps des Duellistes, de Blade Runner, de Legend, de Thelma et Louise ou encore de Gladiator et de La Chute du Faucon noir, heures de gloire du réalisateur ! Quelle nostalgie s’empare des cinéphiles à la pensée émue d’une Sigourney Weaver pourchassée en petite culotte blanche, dans les couloirs sombres d’un vaisseau spatial, par une créature affamée et bientôt culte ! Quelle espérance ont placé les fans de la franchise de science-fiction initiée par sir Ridley Scott, la plus attendue et effrayante de ces trente dernières années, avec ce Prometheus bourré de promesses alléchantes ! Et quelle désagréable impression de tromperie sur la marchandise s’empare du spectateur en partance pour des contrées lointaines, s’attendant à crier dans un espace où on ne peut l’entendre…
Pourtant, tout commençait bien. Un casting hétéroclite (Michael Fassbender, parfait en droïde à l’humour à froid, Charlize Theron qui fait des pompes en tirant la tronche ou encore Noomi Rapace qui ressemble ici étrangement à Jennifer Saunders d’Ab Fab), des décors gigantesques, des images somptueuses et des ambiances angoissantes à souhait. Mais si Prométhée avait dérobé le feu pour le donner aux hommes en cachette des dieux, Prometheus offre quant à lui une allumette qui s’éteint aussitôt après avoir été craquée, soufflée par le réalisateur en personne qui sabote allègrement son film avec une joie non dissimulée. Car le scénario est rempli de telles incohérences que l’on peine à croire qu’il a été destiné à être pris au sérieux. Entre un géologue qui perd son chemin qu’il a lui-même tracé, un botaniste peu intéressé par l’environnement d’une planète inconnue, des scientifiques qui préfèrent ôter leur casque dans une nouvelle atmosphère, un centenaire mal grimé frais comme un gardon, il y a du MASH dans l’espace qui flotte dans l’air. Les répliques involontairement drôles fusent en tous sens, les ellipses sont légion afin de perdre le spectateur et les comédiens, bref, Prometheus soulève plus de questions qu’il ne donne de réponses. Quant aux scènes qui promettent le grand frisson, hormis un accouchement peu ragoutant d’un poulpe, Ridley Scott les cherche encore. Dans une ultime scène qui frise le ridicule (pour en dévoiler un peu sans trop en dire, pensez à Halloween et à un enfant qui tenterait un déguisement d’extraterrestre, avec fermeture éclair apparente dans le dos), il essaye vaguement de raccrocher les vaisseaux spatiaux entre eux avec son Alien de 1979. Mais le malheur est déjà fait. La créature imaginée par Giger n’a plus qu’à espérer de meilleurs cieux pour surgir d’entrailles qui en valent la ripaille. En attendant, tout comme nous, elle reste sur sa faim, au bord du végétarisme et de l’inanition.
Prometheus de Ridley Scott, avec Michael Fassbender, Charlize Theron, Noomi Rapace, Guy Pearce… Etats-Unis, 2012. Sortie le 30 mai 2012.
Mouais !
ah c’est sur néammoins la chute du faucon noir c’est de l’esthétisme à deux balles !!
Ah, j’ai mis le temps, mais j’ai enfin vu Prometheus !
Comme souvent, quand on prévient “tu-vas-voir-c-est-génial-une-tuerie-le-meilleur-film-de-l-année-non-même-de-la-décennie”, on est presque invariablement déçu. Sauf que dans le cas qui nous intéresse, on m’a prévenu… de l’inverse. Ridley s’est ramolli, ça n’a ni queue ni tête, on n’y retrouve pas la terreur d’Alien, etc. A l’époque, après toutes ces gentilles attentions, j’avais même préféré passer mon tour. Et puis voilà, j’ai craqué, je me suis dit qu’il fallait que je montre la saga Alien à mon fils de quinze jours, et qu’il fallait donc commencer par Prometheus. Même si, à l’image de la saga Star Wars, on peut toujours raisonnablement débattre de commencer par le “début” (comprendre par La Menace fantôme). C’est un autre sujet.
J’allume donc ma télé, mon lecteur DVD, j’appuie sur Play, et je passe les 10 premières minutes à être bluffé par la beauté des images, et à me dire deux choses : d’abord, que ceux qui ont rangé au placard Ridley Scott sont peut-être allés un peu vite en besogne, et ensuite qu’en termes de science-fiction, Ridley reste un maître en la matière. Blade Runner et Alien (le premier, donc) constituent deux classiques indétrônables du genre. Et pour les avoir vus un paquet de fois, j’insiste sur le mot “classique” : aucun de ces deux films ne succombaient à la mode déjà vive de l’action tape-à-l’oeil, et s’il y en avait, elle était savamment distillée et diluée dans une narration réflexive généreuse. Que reproche-t-on notamment à Prometheus ? De poser plus de questions que d’asséner de réponses. C’est ce qui en fait un film aussi personnel et intelligent que Blade Runner, Alien et même Les Duellistes. Ridley Scott place ses effets avec grâce et subtilité. Il n’est pas là pour succomber à la mode du préquel et vous dire tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe d’Alien ; il agit à la mode d’un philosophe : à une question, il en subtilise une autre. Si le monstre est important dans Prometheus, c’est surtout la question de nos créateurs (les “Ingénieurs”) qui reste en suspens et obnubile le spectateur. Sans qu’on ne s’en rende vraiment compte, l’Alien passe au second plan, et Prometheus ne se définit absolument plus comme “le préquel d’Alien” (cet argument, je le laisse volontiers aux marketeux et commerciaux du cinéma), mais comme une oeuvre de SF à part entière, élégante et somptueuse – une oeuvre qui, certes, soigne ses effets avec subtilité, mais sait aussi mettre une claque au visiteur avec une séquence de césarienne ou de mutation biologique. A l’image d’Alien, d’ailleurs. Car l’Alien de 1979 en montrait fort peu, mais fort bien. C’est à partir d’Aliens (le 2, réalisé par Cameron) que l’action et l’horreur ont vraiment pris le pas sur le huis clos angoissant.
Alors s’il y a bien sûr des choses moins bien senties – le papy en quête de la vie éternelle est effectivement un thème rabattu de la SF, ici trop survolé pour être correctement traité, les seconds rôles qui se perdent toujours sur des routes censément rectilignes, la mièvrerie de quelques répliques de la scientifique Elisabeth Shaw en particulier et le film un peu trop bavard en général -, et que Prometheus n’égale certes pas le génie de Blade Runner et Alien, je n’ai aucun doute sur le fait que Prometheus fera date. Et toutes mes craintes se sont envolées : Alien est bien la meilleure saga qui soit.
Si tu as vu les bonus, Scott a supprimé de nombreuses scènes et donc pistes liées à Alien.
Eh bien j’en suis ravi
Pas vu les bonus, mais ça ne va pas tarder !