L’été s’ra chaud l’été s’ra chaud… dans les T-shirts dans les maillots (…) Quel poète ce Ronsard ! Je ne m’en lasse pas. Oui, la troisième salve de westerns est exceptionnelle. Sidonis Calysta et Seven 7 rééditent quatre westerns majeurs en Blu-ray agrémentés de quelques joyeuses raretés DVD remasterisées aux petits oignons. Retrouver Joe Dakota en si bonne forme, quel pied ! Le soin apporté aux Blu-ray mérite la main au porte-monnaie. Les décors, les costumes, les paysages, tout semble caressé aux crayons de couleur. Un bonheur pour les yeux.
Quatre westerns majeurs
Le Jardin du Diable de Henry Hathaway, avec Gary Cooper, Susan Hayward, Richard Widmark…
J’embraye avec le trésor des trésors, ni plus ni moins. Le Jardin du Diable ne fait pas dans la demi-mesure puisqu’il mêle l’aventure au thriller, le fantastique à l’élégiaque et plus encore pour qui aime décortiquer en petits morceaux les films « cerveau ». Ce western magistral doit figurer en bonne place dans la filmothèque de Guillermo Del Toro tant le mystère qui s’en dégage, le ton particulier, rappelle la nature menaçante typique des œuvres d’H. P. Lovecraft.
Le Jardin du Diable raconte l’histoire de Leah Fuller qui engage trois aventuriers pour secourir son mari blessé dans une mine d’or. Le périple semé d’embûches s’annonce des plus dangereux. L’hostilité du terrain met les nerfs à rude épreuve. Le jour, les Indiens belliqueux, invisibles, surveillent les intrus et la nuit, ils attaquent. L’or rend fou, c’est bien connu. Le voyage de retour ne manquera pas de piquant. Le jardin du Diable, c’est une ville engloutie sous les coulées de lave. Seul pointe le clocher de l’église, maison de Dieu préservée de la fureur de quelques monstres antédiluviens. Au loin, les montagnes hallucinées s’étendent sculptées par l’esprit des Anciens qui vagabondent. Un western chaudement recommandé par votre serviteur parce qu’unique. Image du Blu-ray au-delà de toute espérance.
La Flèche brisée de Delmer Daves, avec James Stewart, Jeff Chandler, Debra Paget…
Delmer Daves, cinéaste célébré pour son fameux 3h10 pour Yuma (le film de Daves réalisé en 1957 reste très largement supérieur au remake de James Mangold réalisé cinquante ans plus tard, ça c’est dit !), a contribué à redonner aux Indiens la place qu’ils méritent dans l’histoire de l’Amérique. Daves s’est fait le spécialiste des rapports humains complexes, loin des schémas manichéens tellement simplistes imposés par les studios de l’époque. En effet, la famille américaine moderne devait se reconnaître dans l’homme blanc, pas dans le sauvage Peau-Rouge. Si La Flèche brisée nous transporte au cœur d’une période charnière, celle de la difficile réconciliation entre les peuples, le film pointe avant toute chose le doigt sur ceux qui ont toujours une bonne raison de refuser la paix. Tom Jeffords (James Stewart) et Cochise (Jeff Chandler) se battent dans leur propre camp, complices contraints et forcés, contre les renégats qui s’affairent à saper les fragiles espoirs de paix. Un western humaniste, fin et intelligent.
La Lance brisée de Edward Dmytryk, avec Spencer Tracy, Robert Wagner, Richard Widmark…
La Lance brisée n’est pas un western des familles mais un puissant western de famille. Matt Devereaux règne en despote sur son immense propriété. Devereaux est du genre impitoyable, inflexible, rien ne lui échappe, rien ne lui résiste, dans la famille, dans les affaires. Marié en deuxième noce à une Indienne, le patriarche ne s’est pas pour autant assagi. Le benjamin Joe (Robert Wagner), métis, est au centre des préoccupations. Ses frères vivent mal qu’un sang-mêlé puisse tracer sa propre route en marge des affaires familiales. Après la mort du vieux, c’est le temps des rancœurs, le temps des règlements de comptes. C’est moche et ça fait mal. La Lance brisée vaut pour son impeccable mise en scène, l’interprétation et la rudesse des situations. La gestion archaïque du père rendait le quotidien intenable. Libres, les frères s’écharpent, au risque de tout perdre. Western trempé dans l’acier.
L’Homme aux colts d’or, de Edward Dmytryk avec Henry Fonda, Richard Widmark, Anthony Quinn…
L’Homme aux colts d’or est une curiosité à plus d’un titre que nous pourrions qualifier (si les hautes autorités de la cinéphilie nous le permettent) de western psychologique et urbain. Les habitants de Warlock ne supportent plus la violence quotidienne d’une bande de brigands. Terreur dans les rues, mise à sac des commerces, bourre-pif pour un oui, bourre-pif pour un non, ça suffit ! Le conseil municipal engage un mercenaire et son adjoint dans le dessein de faire régner l’ordre une bonne foi pour toutes. Mais l’ordre n’est pas la loi et certains administrés voient d’un mauvais œil la justice expéditive de leur sauveur aux colts d’or. Evidemment, la valeur de L’Homme aux colts d’or ne tient pas à cette histoire simpliste, un poil basse du front, mais bien aux personnages (les bons comme les mauvais) ambivalents, tourmentés, manipulateurs et qui ne cessent d’évoluer tout au long de l’intrigue. Anthony Quinn, gueule de chien, endosse le rôle de l’associé lunatique. On le sent admiratif de son patron mais en total manque de reconnaissance. Dangereuse situation. Ville perdue, Warlock a vendu son âme au diable. Le final est éblouissant. Le film aussi.
Quatre nouveautés DVD
Joe Dakota de Richard Bartlett, avec Jock Mahoney, Lee Van Cleef, Claude Atkins…
Joe Dakota est une rareté, une vraie rareté. Il y a les westerns écolos, les westerns lyriques, les westerns psychologiques et il y a Joe Dakota, un western minimaliste à qui il faut peu pour raconter beaucoup. Une plaine balayée par les vents, une vieille bicoque et un abreuvoir suffisent à traiter en profondeur un sujet majeur de l’histoire de l’Amérique. Accessoirement les acteurs sont tops, la mise en scène aussi, mais que ça reste entre nous. Joe Dakota débarque à Arborville, petite localité perdue de la Californie. La bourgade semble déserte. A quelques miles de là, sur l’initiative d’un ancien officier, une partie des habitants s’affaire à exploiter un puits de pétrole. Explorer serait plus approprié. Dakota apprend que le propriétaire des lieux, un Indien, a été accusé de viol sur une Blanche puis pendu sans autre forme de procès. Dakota pose des questions. Dakota dérange. En à peine 1h15, Joe Dakota nous prouve que le rêve américain peut donner un sale goût dans la bouche. Envoûtant et remuant. Du cinéma humaniste.
Passage interdit de Hugo Fregonese, avec Joseph Cotten, Shelley Winters, Scott Brady…
Encore une histoire de famille sur un vieux patriarche acariâtre et son fils bête comme ses pieds incapable de rivaliser avec le neveu dévoué qui chaque jour que Dieu fait se montre toujours plus courageux toujours plus volontaire toujours plus responsable. Maintenant, vous pouvez reprendre votre souffle. Passage interditn’est pas un reportage estampillé « Julien Courbet » sur les problèmes de voisinage mais un vrai bon film de garçons vachers qui traite des conflits entre les générations et de l’implantation des colons. Matt Denbow gère le ranch avec un sentiment exacerbé de la propriété. Incapable du moindre arrangement, il ne laisse personne traverser son domaine. Sa terre est sa chair mais les migrants, de plus en plus nombreux, usent des droits de passage. Jusqu’au jour où Denbow commet un acte irréparable. L’homme du passé a vécu. Passage Interdit distingue la société « respectable » des riches propriétaires terriens, sclérosée et corrompue, déjà obsolète, et les conquérants du Nouveau Monde. Par peur de perdre leurs privilèges, les barons de la prairie n’admettent pas que les temps changent. Un excellent western politique d’Hugo Fregonese.
Duel dans la Sierra de George Sherman, avec Jock Mahoney, Gilbert Roland, Linda Cristal….
Construit comme une enquête policière, certains et certaines diront qu’ils ont vu dans Duel dans la Sierra un western à énigmes. C’est exactement ça. Chers certains, chères certaines, nous sommes sur la même longueur d’onde. Pour ne rien gâter, le soleil du Mexique donne à l’ensemble une patine de vieille carte postale. La mise en scène inspirée joue du mélange des genres. Parfois, Duel dans la Sierra lorgne du coté « film noir ». Drôle d’idée mais bonne idée. Oui, mais encore ? Mexique, 1880. Forbes, un riche homme d’affaires engage Brad Ellison, un tueur en quête de reconversion, pour retrouver son frère Edward à qui il souhaite léguer ses affaires à la place de son associé. Brad remonte la piste du disparu. La partie s’annonce ardue. L’associé de Forbes n’a pas dit son dernier mot. Western efficace, tendu, où le mystère est préservé jusqu’à la toute fin. Twist and twist.
Le Justicier de la Sierra de Lesley Selander, avec Rod Cameron, Cathy Downs, Reed Hadley…
Western écrit et produit par Blake Edwards. Oui, vous avez bien lu, Blake Edwards. Et me direz-vous : les cow-boys se prennent-ils les bottes dans les étriers, les shérifs racontent-ils des blagues de cow-girls blondes ? Y a-t-il une fête avec des éléphants roses ? Que nenni ! Que nenni ! John Sands (Rod Cameron), homme de main repenti, s’est reconverti dans le commerce. John apprend l’assassinat de son frère journaliste qui avait dénoncé dans la presse les agissements crapuleux de Matt Garson (Reed Hadley), tenancier de saloon qui contrôle la localité et les environs. Il entreprend alors de confondre Garson. Il sera secondé dans son enquête par la secrétaire de Garson et par June (Anne Gwynne), l’ex-fiancée de son frère. L’histoire ne prête pas vraiment à sourire même si à de nombreuses reprises la patte « Edwards » amuse l’œil. Si le film possède ce ton si pessimiste sur les rapports humains, c’est parce qu’il utilise, tout comme Duel dans la Sierra, les codes du film noir. La complexité du justicier se tapit dans les reflets du clair-obscur. Ça ne veut rien dire mais c’est assez chouette comme conclusion.