Cette nouvelle sélection vous propose des westerns inédits et rares. Seule une poignée d’hommes et de femmes sur cette Terre ont eu le privilège de s’en repaître les mirettes. Pourquoi ? Parce que les studios aiment à bourrer leurs tiroirs ou tout simplement parce qu’au moment d’être diffusés, ces films, pensait-on, étaient déjà démodés… Nous, les petites gens, les moins que rien, avons dû attendre presque un demi-siècle avant de pouvoir les admirer sur notre écran télé. Et ça valait le coup d’attendre ! La Dernière Chevauchée est une merveille. La Chevauchée sauvage, un pur plaisir coupable. L’Homme de nulle part, un choc violent. La Folie de l’or, une belle surprise… Alors, pour la onzième fois : mordons la poussière !
La Dernière Chevauchée réalisé par Alfred L. Werker, avec Broderick Crawford et John Derek…
Ruinés par Sampson Drune, les Romer – Will, George et Art – s’emparent dans la banque de Roswell de 105 000 dollars qui appartiennent à Drune. Plusieurs groupes de volontaires partent à leur poursuite. Le shérif John Frazier, très diminué, fait partie du groupe qui comprend Drune, espérant que ceux-ci auront un procès équitable. Frazier, Drune et son bras droit Jed Clayton rejoignent les Romer. George Romer se tue en faisant une chute et Frazier obtient la reddition des deux autres en leur assurant un jugement normal. Mais Drune survient et les abat alors qu’ils étaient désarmés. Frazier révèle alors à Jed que le meurtrier de son père n’est autre que Drune et que les Romer avaient été les témoins de ce meurtre…
Comme quoi, au début des années 1950, le studio Columbia produisait des petits bijoux et pas que du « serial » de pacotille. Pourquoi tant d’attention pour La Dernière Chevauchée ? Le scénario à tiroirs, ultra-solide, propose une profonde – et sérieuse – analyse psychologique d’une petite communauté urbaine et de ses personnages emblématiques. Dès lors, on peut sonder l’âme des protagonistes comme dans les grands classiques. Les vérités successives nous entraînent dans un tourbillon de révélations et des profils inattendus apparaissent. Encore mieux, les extérieurs superbement photographiés (un noir et blanc tout en contraste) rentrent en résonance avec les caractères. La Dernière Chevauchée balaie d’un revers de la main les codes du western et s’emploie à nous démontrer que la société dans son ensemble mute en permanence, et que tout nous échappe, pour peu qu’on s’y intéresse ! Heureux sont les innocents. Un très, très grand western.
Alvarez Kelly réalisé par Edward Dmytryk, avec Richard Widmark, William Holden, Janice Rule…
1864. L’éleveur mexicano-irlandais Alvarez Kelly est chargé de livrer à l’armée nordiste un troupeau de 2500 têtes mais les Sudistes qui manquent eux aussi de vivres sont décidés à s’emparer du troupeau. Grâce à Charity Warwick, une belle Sudiste, Kelly tombe dans un piège et se retrouve prisonnier du colonel Rossiter. Ce dernier lui conseille de changer de camp et de voler le troupeau pour le compte des Sudistes. Kelly étant réticent, Rossiter lui promet de lui briser un doigt pour chaque jour de retard. Kelly est donc obligé d’accepter.
Edward Dmytryk, auteur de l’immense Homme aux colts d’or, revient sur un épisode méconnu de l’histoire américaine durant la guerre de Sécession. Le cinéaste aborde la période avec originalité, hors des sentiers battus, en proposant de nous révéler des secrets qui se trament en coulisses. D’habitude, les grands studios apprécient qu’on immerge le spectateur au cœur des champs de bataille ou qu’on l’assomme à coup de stratégies et de tactiques fumeuses, mais Alvarez Kelly s’empare du sujet avec un point de vue tout à fait nouveau, celui de la boustifaille. En effet, qu’est-ce qu’un soldat mal nourri ? Eh bien, c’est un soldat qui a le ventre qui gargouille et ça, croyez-le ou non, ce n’est pas bon signe pour tuer son ennemi. Le western traite les affres de la guerre à l’interface des camps nordistes et sudistes, en zone neutre, là où les luttes de pouvoir sont les plus puissantes. La solide interprétation et l’intelligence des propos devraient vous séduire. Les fans de Jean Lassalle apprécieront les belles et longues séquences de transhumance.
L’Homme de nulle part réalisé par Delmer Daves, avec Glenn Ford, Ernest Borgnine, Rod Steiger, Charles Bronson (avec nous !)…
Jubal Troop est recueilli par Shep Horgan qui lui propose de l’embaucher. Jubal accepte et Shep se prend d’amitié pour lui et le nomme régisseur, ce qui irrite Pinky qui briguait ce poste. Mais Mae, la femme de Shep, lasse de la vulgarité de son mari, voit avec intérêt Jubal. Ce dernier permet à des squatteurs de rester sur les terres de Shep, contrairement à l’avis de Pinky. Jubal s’éprend de Naomi Hoktor, fille du chef des squatters et il repousse les avances de Mae dont Pinky fut l’amant. Pinky excite la jalousie de Shep et Mae déclare à ce dernier que Jubal est son amant. Shep, furieux, veut abattre Jubal…
L’Homme de nulle part (Jubal en anglais) est un vrai western psychologique, un western du quotidien qui fait durablement travailler du chapeau. Il suffit de lire et relire le résumé pour se rendre compte de l’extrême complexité des relations entre les personnages. Delmer Daves (La Flèche brisée, 3h10 pour Yuma…) cisèle son intrigue autour de cinq protagonistes qui tour à tour s’aiment et s’écharpent jusqu’au point de non retour, moment fatidique avant le chaos total. Ce jeu du chat et de la souris est d’autant plus tendu qu’il s’inscrit dans un contexte de violation de propriété, contexte propice à aiguiser les humeurs et les rancœurs. Chacun balance à la gueule de l’autre ce qu’il a sur le cœur. L’Homme de nulle part ne raconte rien de moins que notre société d’aujourd’hui. On supporte l’autre, l’étranger, dans un accueil de façade, avant de perdre nos repères et la raison. Un western très fort.
La Chevauchée sauvage réalisé par Richard Brooks, avec Gene Hackman, James Coburn, Candice Bergen…
The Western Press organise une course d’endurance de 700 miles dotée d’un prix de 2000 dollars. Le riche propriétaire J.B. Parker charge le cow-boy Sam Clayton de conduire son cheval Tripoli jusqu’au départ. La course va notamment réunir Luke Matthews, un vieil aventurier, « Mister », un vieux cow-boy, Carbo, jeune et impétueux, un Mexicain et Miss Jones, une ancienne prostituée. Sam sauve Miss Jones attaquée par deux bandits et oblige Carbo à enterrer le cheval dont il a causé la mort par épuisement…
Nous sommes au cœur des années 1970 et le genre western s’est réduit à peau de chagrin. Seul Sam Peckinpah (la même année, Sergio Leone commet Un génie, deux associés, une cloche) règne en maître incontesté après le choc Pat Garrett et Billy le Kid. Et encore, à chaque nouvel opus du vieil alcoolo, c’est une raison de plus pour les studios de stopper ses délires qui ne rapportent pas un kopeck ! C’était sans compter sur Richard Brooks (Elmer Gantry, De sang-froid, Lord Jim…), cinéaste majeur qui décide au beau milieu d’une décennie où les réalisateurs ne pensent qu’à jeter le bébé avec l’eau du bain (comprenez par là conchier les règles et les codes imposés par les majors) de réaliser son troisième et dernier western, un western généreux en forme de grand jeu de piste. La Chevauchée sauvage, c’est l’aventure puissance 1000, une réaction en chaîne de péripéties où chaque personnage fait son numéro avant le bouquet final. C’est malin, bien écrit, solidement interprété et mis en scène. Un petit bijou à redécouvrir.
Les Forbans du désert réalisé par Fred F. Sears avec John Hodiak, John Derek, David Brian…
Quatre bandits, McCord, The Kid, Egan et Doc quittent le pénitencier de Fort Yuma après avoir purgé une peine de cinq ans pour vol. En route pour Tomahawk Gap, où le butin est caché, ils sauvent une jeune Indienne. Tomahawk Gap est devenu une ville fantôme et le butin a disparu. Les Apaches attaquent, tuant Egan et Doc…
Aujourd’hui, Les Forbans du désert vaut surtout pour son ambiance fantomatique et ses couleurs pastel qui lui donnent des airs de bande dessinée. John Hodiak, mort à 41 ans d’une crise cardiaque, porte le film sur ses épaules. Lui qui à cette époque commence à se tailler une solide réputation sur les planches de Broadway n’a pas le temps de devenir une légende à Hollywood. Dommage. Un western sympathique.
La Levée des tomahawks réalisé par Spencer Gordon Bennett, avec John Hall, Christine Larsen…
1812, Indiana. Un nouveau conflit menace de naître entre les Etats-Unis et l’Angleterre. Une platte américaine destinée à ravitailler les tribus Shawnee est attaquée par les Anglais, ceux-ci en massacrent les occupants et coulent la cargaison. Cet acte est commandité par Shayne MacGregor, riche commerçant en fourrures à Vincennes. Au camp Shawnee, las des promesses non tenues, la révolte gronde, la division éclate entre le chef Tecumseh et son frère surnommé « Le Prophète ». Ce dernier veut déterrer la hache de guerre contre les Américains.
La Levée des tomahawks, resté inédit dans notre beau pays, est une rareté. Il traite d’une période assez peu connue de l’histoire américaine sur les conflits territoriaux avant l’Indépendance. Résultat : Spencer Gordon Bennett et son scénariste ne s’embarrassent pas des invraisemblances. C’est un véritable festival d’anachronismes et d’erreurs historiques. Les spécialistes Patrick Brion et François Guérif, plutôt bienveillants quand il s’agit de défendre les petites productions, ne manquent pas de le signaler. Voilà une curiosité qui ne vous fera pas de mal ! Enfin moins qu’un coup de pied au cul !
La Folie de l’or réalisé par Ray Nazarro, avec George Montgomery, Karin Booth, Jerome Courtland…
1893. Des hors-la-loi pillent les mines d’or de Cripple Creek. Les agents du gouvernement Bret Ivers et Larry Galland sont chargés d’examiner la situation. Incognito, ils se font accepter dans la bande de Silver Kirby. Strap, le frère de Larry, travaille dans le saloon de Kirby, comme Julie Hanson. Bret et Larry découvrent que Kirby est directement lié au vol et à l’envoi de l’or…
La Folie de l’or, western singulier et bourré de charme, mérite qu’on s’y attarde. D’abord le Technicolor, qui flatte la rétine et qui instaure une ambiance mystérieuse, met en lumière des décors aussi originaux que soignés. Ensuite l’intrigue, qui utilise avec intelligence les ressorts du polar. Enfin la communauté chinoise qui occupe une place prépondérante dans l’histoire. Dans les tunnels et les souterrains de Cripple Creek, des hommes s’affairent à transformer l’or en plomb ! Ça n’est pas banal ! Ici point de braquage mais des alchimistes en goguette. Le twist final se révèle très fort. Un véritable coup de cœur.
La Hache de la vengeance réalisé par Lew Landers, avec Jon Hall, Mary Castle…
1753. George Washington et Christopher Gist introduisent leur protégé, le prince Delaware Hannoc, dans la société de Williamsburg. Elizabeth Leeds, qui est en réalité une espionne au service des Français, espère conduire les Delaware à aider les troupes françaises. Hannoc sauve Washington et ces hommes d’un piège tendu par les Français. Hannoc, épris d’Elizabeth, délaisse sa fiancée Morna, ce qui attriste son père, le chef Shingiss. Les Anglais sont alors attaqués au Fort Necessity par leurs ennemis.
Si vous comprenez le pitch de l’éditeur, je vous offre l’apéro. Avec les crougnettes, je suis un seigneur. La Hache de la vengeance est un western en costume qui se déroule en 1753, soit 24 ans avant l’Indépendance. On y voit des notables portant fièrement perruques et toupets en face de soldats et cow-boys mal sapés ! Je ne vous cacherai pas que j’ai souffert. Bref, le film de Lew Landers, un peu bâclé et à l’interprétation aléatoire, évoque le grave sujet de l’enrôlement « forcé et négocié » des Indiens dans l’armée américaine. Si vous êtes intéressés par le complexe jeu des alliances, je vous conseille de voir (ou revoir) Le Grand Passage de King Vidor ou Le Dernier des Mohicans de Michael Mann. La Hache de la vengeance vaut tout de même d’être vu car il est, jusque-là, resté inédit !
Les Ecumeurs des Monts apaches réalisé par Ralph Murphy, avec Rod Cameron, Wayne Morris…
A la veille de la guerre de Sécession, deux compagnies de diligences s’affrontent dans une petite ville. Grif Holbrook appartient à l’une d’elles, de conviction nordiste, alors que la seconde est aux mains de sudistes fanatiques. Grif et Barney Broderick aiment la même femme. Grif veut l’épouser mais il comprend que la jeune femme, Kay Buckley, aime en réalité Broderick. Il s’efface alors devant son rival. Mais les partisans sudistes s’emparent des diligences de la ligne nordiste en faisant attaquer les convois par une diligence fantôme, noire et blindée. La guerre est finalement déclarée…
Voilà encore une petite production Columbia restée inédite. Merci Sidonis Calysta ! Les Ecumeurs des Monts apaches, qui en 1951 s’inscrivait dans un double programme, va à l’essentiel. Pas de fioriture, pas de gras, mais le résultat est diablement efficace. L’épopée westernienne au sein de paysages pittoresques dégage une belle énergie. L’histoire a du cœur et du corps. Chouette alors. La diligence blindée couleur corbeau ne dépareillerait pas dans l’univers de Tim Burton. Une belle surprise recommandée par nos soins.
Les Derniers Jours de la nation apache réalisé par Ray Nazarro, avec George Montgomery, Audrey Long…
1885. Le capitaine McCloud découvre que les Indiens sont lâchement assassinés par les chercheurs d’or qui veulent s’emparer de leurs terres. Parallèlement, il sauve la vie du fils du chef Geronimo et fait la connaissance de ce dernier. Il prépare une entrevue entre le chef indien et son supérieur militaire mais celui-ci fait lâchement attendre les Indiens jusqu’à l’arrivée de renforts. Les Apaches sont alors faits prisonniers. Geronimo croit que McCloud l’a trahi et le blesse avec une lance. Il comprend ensuite que le jeune officier a été loyal, lui-même ayant été trahi.
Les Derniers Jours de la nation apache ne brille pas par son originalité. Réalisé par un Ray Nazarro des petits jours (faiseur parmi les faiseurs, Patrick Brion nous apprend dans les bonus que l’homme pouvait tourner jusqu’à 13 films par an !), on comprend dès les deux premières minutes que l’on a affaire au énième western à papa. Bof ! Ennui.
Tous les films sont disponibles en DVD chez Sidonis Calysta.