La quatrième salve de westerns sortis chez Sidonis Calysta s’avère aussi bordélique que surprenante. Si le fil conducteur transmet tout ce qu’il y a de plus classique dans le genre (la confrontation entre les colons et les autochtones), il est difficile de déceler de solides articulations entre les œuvres tant les films varient sur les problématiques traitées et leurs qualités formelles. Les Compagnons de la gloire tire toutefois son épingle du jeu.
Les Compagnons de la gloire d’Arnold Laven avec Tom Tryon, Harve Presnell, Senta Berger, James Caan…
Dans les bonus, Bertrand Tavernier ne tarit pas d’éloges sur le directeur de la photo James Wong Howe (L’Adieu aux armes, Le Vieil Homme et la mer…), simple technicien devenu une légende d’Hollywood. En effet, la sophistication des jeux de lumière contribue à envelopper l’atmosphère d’un mystère qui vous choppe dès les premières secondes. Déjà au temps du muet, cet Américain d’origine chinoise se bâtissait une solide réputation de spécialiste hors pair car lui seul savait rendre aux actrices leurs plus beaux yeux, marquant les contours, rehaussant la couleur (le bonhomme confectionnait ses propres filtres). Le mordoré des Compagnons de la gloire fascine autant qu’il inquiète. Un éclat crépusculaire.
Coté scénario, c’est Sam Peckinpah qui adapte le roman d’Hoffman Birney The Dice of God. On reconnaît déjà sa patte experte, marque du désenchantement. Pas étonnant que le vieux briscard soit derrière cette histoire de préparation à la guerre contre les Indiens d’une colonne de soldats pas même aguerris à l’art du combat. Ces bleubites serviront de chair à canon pour qu’au bout du compte un général sans scrupule s’adjuge tous les honneurs.
Avant la grande bataille, on nous laisse le temps nécessaire pour rentrer en empathie avec les personnages. De la grande gueule au timide gamin, du paumé au fier à bras, du capitaine à l’éclaireur, la troupe se prépare au sacrifice, ne se faisant guère d’illusion.
Une interprétation au cordeau. Un western brillant qui laisse un sale goût dans la bouche. Du Peckinpah pur jus.
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La Route de l’Ouest d’Andrew V. McLaglen avec Kirk Douglas, Robert Mitchum, Richard Widmark…
La distribution en impose ! Trois stars pour une épopée de colons décidés coûte que coûte à s’installer en Californie. Coûte que coûte veut dire que le voyage sera semé d’embûches et La Route de l’Ouest parsemé de poncifs cinématographiques.
Patrick Brion précise (voir les bonus) que le film a sans aucun doute été raccourci d’une vingtaine de minutes, bousillant l’intrigue sur toute sa durée. Je confirme pour les embûches, les coupes et les poncifs.
D’abord les personnages. Kirk Douglas, leader du convoi, abject, cabotine sous des oripeaux qui frisent le mauvais goût (costard fluorescent, il ressemble à un technicien de la DDE). Son leadership ne manque pas de piquant si ce n’était la furieuse envie qui nous prend à chacune de ses apparitions de lui coller un taquet. Il incarne le type de chefaillon qu’il convient d’écarter avant de commettre l’irréparable. Richard Widmark est le bon père de famille dont le fils un peu benêt s’amourache de l’effrontée de service amoureuse, elle, du beau gosse, lui, lassé de sa femme frigide. Frigide mais dangereuse. Voilà des problèmes en perspective.
Robert Mitchum en aventurier brisé par la vie, veuf, complètement miro, hérite paradoxalement du rôle le plus rigolo. Seul à prendre de la hauteur face à la dangerosité du périple, le baroudeur Mitchum désacralise la conquête de l’Ouest. Faut dire qu’il se traîne une sacrée bande de glandus. Autant prendre cette chienne de vie du bon coté pour ce qu’il en reste.
Les paysages défilent. Ils sont beaux. Les ennuis techniques (cailloux dans les chaussures, chariots récalcitrants, nids de poule…) et humains (pétages de plomb, abcès au fessier, mycoses buccales…) nous sortent de la torpeur, ou le contraire. La musique est insupportable. Horrible.
Nous sommes à des années-lumière de La Piste des géants (Raoul Walsh). Un film malade ou bancal, comme on dit.
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Femmes hors-la-loi de Sam Newfield avec Marie Windsor, Richard Avonde et Richard Rober…
Au Nouveau-Mexique. Las Mujeres est une bourgade tenue par Iron Mae MacLeod (Marie Windsor) et ses hors-la-loi de femmes. Frank Slater (Richard Avonde), gangster local, entend attaquer une diligence et son chargement d’or. Les amazones de Mae MacLeod ayant fait échouer l’attaque de la diligence, Slater entend bien récupérer l’or qui lui a échappé. Dans le même temps, Woody Callaway (Richard Rober) souhaite procéder à l’élection d’un nouveau marshal, à laquelle les femmes, hors-la-loi ou non, ne peuvent participer.
La qualité médiocre de l’image ne mérite pas l’investissement. Les décors comme les costumes font vieillot, le scénario se traîne. Tâcheron parmi les tâcherons, Sam Newfield a rendu près de 250 films aux studios ; ça se voit !
Femmes hors-la-loi aurait pu s’inscrire dans la veine des westerns féministes (Le Fort de la dernière chance, Johnny Guitar…) mais, en chemin, les femmes lâchent prise et s’appliquent sous les rires carnassiers des forts en gueule à redevenir des mégères apprivoisées. Emancipation ? Faut pas déconner non plus ! Revoyez Cat Ballou !
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Fort Massacre de Joel McCrea avec Forrest Tucker, Susan Cabot…
Comanche de Dana Andrews avec Ken Smith, Nestor Paiva…
Histoire d’améliorer l’ordinaire, je colle les deux films sur une seule et même critique pour l’unique raison qu’ils abordent peu ou prou le thème de la violation des territoires mais sous des points de vue différents. Fort Massacre voient les soldats de l’armée américaine traverser (sans frapper ni sonner) les terres indiennes pour rejoindre Fort Crane pendant que les Comanches de Comanche franchissent la frontière mexicaine pour y commettre des kidnappings.
Les deux films (de qualité moyenne) tournent autour de la vengeance personnelle et de l’intérêt des communautés. Visages pâles et Peaux-Rouges campent sur leur position, ne tiennent pas leur parole, qu’on les pende haut et court !
Ma préférence va à Fort Massacre, plus sec, plus rugueux et moins politiquement correct que Comanche. Médiateurs sociaux, ces westerns sont pour vous.
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Fort Yuma de Lesley Salander avec Peter Graves, Joan Vohs, John Hudson…
Un chef indien apache venu parler de paix à Fort Yuma avec les forces armées américaines meurt sous les balles d’un inconnu. Les négociations prennent fin. Mangas, fils du chef, aveuglé par la vengeance, intercepte un messager chargé d’avertir Fort Apache qu’une guerre se prépare. Les hommes d’une colonne de ravitaillement menés par le lieutenant Keegan en route pour Fort Apache ne soupçonnent pas un instant qu’ils se jettent dans la gueule du loup.
Fort Yuma ne manque pas de scènes cruelles mais de psychologie. Les rapports de force se limitent à des attitudes frontales. Le scénariste a jeté le bébé avec l’eau du bain. Les thèmes usés jusqu’à la corde de la vengeance personnelle et de l’intérêt collectif se désagrégent dès les premières minutes. Fort Yuma manque d’ambition, nous de sommeil. Notons la présence de Peter Graves, héros de la série Mission : impossible.
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Sitting Bull de Sidney Salkow avec Dale Robertson, Mary Murphy, J. Carrol Naish…
Le major Parrish refuse de violer le traité de paix signé avec le grand chef Sitting Bull. Dégradé par ses supérieurs, rejeté par ses proches, Parrish persiste dans sa volonté de construire la paix avec la nation indienne. Le vilain général Custer prépare ses troupes aux combats…
Sitting Bull, c’est le western à papa par excellence. Si les Sioux, maquillés comme des camions volés, semblent sortir du hangar numéro 1, les soldats, serrés dans leurs uniformes, semblent plus en vouloir au responsable du pressing qu’à ce traître de Parrish.
Sitting Bull embrasse trop large, à tel point qu’il paraît étriqué. Je m’explique : Sitting Bull et Custer font aujourd’hui partie de l’histoire universelle. Le scénario qui s’évertue à faire avancer son histoire par trois canaux différents (les Indiens, l’armée, le médiateur) pédale dans la semoule par manque d’interactions entre les protagonistes. Une nouvelle fois le manichéisme cucul la praline remporte la manche. Un bon vieux western des dimanches.