Après une trop longue absence, Artus Films revient aux affaires avec une nouvelle sélection de raretés et de films oubliés. Une sélection 2018 que nous pourrions qualifier… d’éclectique. Et l’éclectisme, c’est bon pour la santé ! Au menu, vous pourrez déguster un conte fantastique, un film 100 % noir, un classique de l’épouvante, une comédie policière, un thriller et, cerise sur le gâteau, un bijou de la science-fiction post-apocalyptique en mode Nouvelle Vague. Allez hop, c’est le moment de dépenser vos étrennes ! Y’a pas que Star Wars dans la vie.
L’Etrange Mr Slade réalisé par Hugo Fregonese est la cinquième adaptation du roman écrit par Marie Belloc Lowndes, The Lodger, lui-même énième variation de l’affaire « Jack l’éventreur ». Si les cinéphiles et les fans du ripper préfèrent, et de loin, la version d’Hitchcock tournée en 1927 (le film pose les fondamentaux du Maître), Hugo Fregonese s’en tire avec les honneurs. Il faut dire que le cinéaste argentin a signé des westerns restés dans l’histoire, comme l’immense Quand les tambours s’arrêteront, œuvre somme acclamée pour son rythme syncopé et sa succession de climax hallucinants. Bref, le gars n’est pas un tâcheron ! Dans L’Etrange Mr Slade, Fregonese et son équipe prennent le parti de jouer la sécurité en assurant une ambiance étrange et pénétrante au cœur du vieux Londres. Toutefois, l’originalité du projet réside dans le traitement plus psychologique que sensationnaliste du fameux Monsieur Slade (incarné par un Jack Palance des grands jours) où l’on découvre avec surprise que les motivations d’un tueur en série ne sont pas forcément celles auxquelles on pense. Il n’y a pas ici la volonté à bouleverser le genre mais de nous offrir un thriller vintage bien flippant !
On présente encore aujourd’hui Le Carnaval des âmes (1962) comme un objet culte parce que son réalisateur, Herk Harvey, réussit à accoucher d’une œuvre filmique non identifiée avec une enveloppe financière si riquiqui qu’il en fit pâlir de honte tous les Ed Wood de la Terre. Sauf que là, nous ne sommes pas en face d’un nanar, je vous rassure ! Il me semble plus sincère de reconnaître que le film a généreusement participé – grâce à ses qualités – à promouvoir le genre « horreur » à travers le monde, voire le démocratiser au même titre que l’inaltérable classique, La Nuit des morts-vivants. L’histoire est celle de Mary qui, après un terrible accident de voiture, décide de changer radicalement de vie. Commence alors pour elle une série d’événements étranges. Vous conviendrez que s’il n’arrivait rien à notre héroïne, j’aurais précisé en amont que Jacques Doillon était aux manettes.
Dans le dessein de flatter d’abord les mirettes plutôt que le cerveau, Le Carnaval des âmes ose jouer l’épate sans jamais prendre les spectateurs pour des gogos. Pour notre plus grand bonheur, les ambitions esthétiques participent aux ressorts de l’intrigue quand les effets de lumière et d’obscurité concourent à rendre les esprits encore plus détraqués et les âmes damnées encore plus inquiétantes. Les séquences au cœur du parc d’attractions, fantomatiques à souhait, nous prouvent qu’avec un peu d’astuce et d’espièglerie un budget limité ne bride pas l’imagination. La copie est superbe.
Un Douglas Sirk ne se refuse pas et encore moins quand il s’agit du film préféré de son auteur, Un scandale à Paris, inspiré très librement des mémoires de Vidocq. Cette aventure fantaisiste du célèbre flic parisien vaut surtout pour ses séquences de cambriolage et son ton à la fois classieux et primesautier. George Sanders (Jean Dujardin lui ressemble comme deux gouttes d’eau) incarne un Vidocq tout en élégance qui mène son petit monde par le bout du nez avec l’aplomb des grands escrocs. D’ailleurs, les dialogues fleuris sont un régal ! Un scandale à Paris me rappelle par bien des aspects le Scaramouche de George Sidney où quand un anti-héros fantasque gagne le cœur même de ses ennemis.
Découvrir ou redécouvrir Le Fils du pendu de Frank Borzage est une véritable bénédiction (!). A travers la descente aux enfers d’un homme au tragique destin, Borzage dresse le portrait de toute une communauté de marginaux avec la volonté de nous prouver qu’il y a toujours pire ailleurs. Mais Borzage va encore plus loin quand il dénonce avec fermeté l’intolérance de la société américaine pour les minorités, les laissés-pour-compte et les losers de tous poils et de tous bords. Le Fils du pendu, film noir ultra-pessimiste, raconte les tourments d’un pays où l’intolérance (qui a depuis longtemps pourri l’esprit de l’Américain moyen) s’impose comme LA discipline nationale. Le style expressionniste (John L. Russell est à la photo, autant dire un génie !) renforce la violence des sentiments comme il participe à nourrir notre indignation. Black is very very black !
Les 5 Survivants (1951) est sans aucun doute le coup de cœur de cette sélection. Un survival post-apocalyptique visionnaire aussi puissant que sobre, réalisé avec le cœur et trois bouts de ficelle. Ce n’est pas pour rien qu’il fut encensé en son temps par la critique et par François Truffaut himself ! Après une introduction tétanisante sur le sentiment de solitude absolue, chacun raconte sa condition de survivant dans ce nouveau monde dévasté par la folie des hommes et tente d’évaluer sa propre capacité de résilience. Les séquences de désespoir se succèdent aux furtifs instants d’espoir. Les 5 Survivants sonnait déjà au début des années 1950 la fin de la récréation. « Arrêtez vos conneries ! On ne veut pas crever ! » semble nous lancer le cinéaste Arch Oboler. Les grands initiés disent que le film lorgne du coté de Bergman. Eh bien, ils ont raison ! Je suis encore sous le choc.
Et pour terminer, le sirupeux Au-delà de demain qui, s’il n’est pas mon conte de Noël préféré, distille assez de manichéisme et cucuterie pour satisfaire les adorateurs du cinéma à papa. Au-delà de demain colle aux bonbons, vous êtes prévenus !
Tous les films sont disponibles en DVD chez Artus Films.