Psycho Killer, qu’est-ce que c’est ?
D’enfant terrible de Cannes, où il a présenté quasiment tous ses films, le plus souvent en compétition, à persona non grata et aujourd’hui un retour profil bas après avoir été repêché in extremis hors compétition, Lars von Trier aura tout connu de ce Festival. Une relation d’amour-répulsion, comme le cinéaste en a d’ailleurs filmées, qui laisse penser que ce The House that Jack Built n’est en fait qu’un long message à Cannes. Car, en entrant dans la tête d’un tueur en série, à travers un dialogue en voix off entre celui-ci et sa conscience, Lars von Trier livre sa théorie sur les liens entre l’art, la création, la destruction et la pulsion de mort. Citant pêle-mêle, dans un collage au long cours inséré entre les meurtres de son personnage/porte-parole, Glenn Gould, divers tableaux (brassant de Picasso à Botticelli), dictateurs (dont Hitler, bien sûr, images de charniers comprises), ainsi qu’un mash-up de sa propre œuvre. Une démonstration en forme de réponse à toutes les polémiques dont il a fait l’objet. Cynique, parfois drôle, foisonnante, inventive – au moins sur la forme, à défaut d’apporter de nouvelles idées sur le fond. Lars von Trier mélange les images (super 8, animation) et les genres, passant avec une terrible aisance de la comédie grinçante (disons comme un vieux cric) au thriller horrifique, acéré comme le couteau de Jack, au son de « Fame » de David Bowie avant de conclure sur l’ironique « Hit the road Jack ». Des images parfois difficiles, atténuées par la froideur de Matt Dillon (qu’on n’avait jamais vu si convaincant), dont le commentaire laconique impose une distance. Dans un sublime final, il convoque Dante et les enfers, rappelant au passage à ses détracteurs aveuglés par sa persona qu’il est aussi un cinéaste majeur.
The House that Jack Built de Lars von Trier, avec Matt Dillon, Uma Thurman, Sofie Grabol, Riley Keough, Bruno Ganz… Danemark, Suède, France, Allemagne, 2018. Présenté hors compétition au 71e Festival de Cannes.