Une fois n’est pas coutume sur Grand Ecart (site internationalement reconnu pour ses avis tranchés, ses prises de position assassines et ses transports immodérés) : une critique sous forme d’interrogation. Que penser du dernier Coppola, présenté en ouverture de la 19e édition du Festival de Gérardmer ? Parce qu’il faut bien l’avouer, si ce n’était pas Francis, on l’aurait bien pourri ce film avec son scénario faussement alambiqué pour évoquer les affres de la création et les méandres de l’inspiration. Mais bon, c’est Francis. On a donc tourné et retourné le truc dans tous les sens pour tenter d’éclairer nos lanternes.
Alors pour vous donner une idée, c’est l’histoire d’un mec… Hall Baltimore (Val Kilmer), écrivain en soldes qui pond des livres sur les sorcières. Le voilà qui débarque dans une petite bourgade pour signer quelques exemplaires de sa dernière production. Alors qu’il s’est assoupi dans la chambre d’un hôtel miteux, il rencontre en rêve une jeune fille, prénommée V (Elle Fanning), qui lui raconte l’histoire étrange d’un pasteur qui avait jadis recueilli de jeunes enfants…
Francis Ford Coppola choisit donc de prendre le processus de création de l’écrivain comme cadre narratif d’un film labyrinthique et tortueux dans lequel se superposent les strates : souvenirs, rêves et vie réelle. Soit. Sauf que très vite Twixt apparaît comme une grille de lecture évidente et maladroite de l’œuvre et de la vie du réalisateur. Mais c’est surtout l’occasion de livrer une sorte de panorama du cinéma fantastique (10 % humour, 50 % vampire, 10 % épouvante, 10 % Twin Peaks, 20% Twillight aussi, il faut bien l’admettre), de citer pêle-mêle l’expressionnisme allemand, Carrie de Brian de Palma, et Edgar Allan Poe (Ben Chaplin) qui apparaît, une lanterne à la main, telle une muse moustachue, dans les rêves du fameux Hall Baltimore. Et là, misère ! Comment convier le maître de la littérature fantastique dans un tel film et contredire l’essence même du registre ? La littérature fantastique est celle de l’entre-deux, entre le réel et l’irréel, l’espace du doute. Or, en prenant bien soin de tout expliquer du début jusqu’à la fin, Coppola se plante. Dommage, son titre Twixt, diminutif de « Betwixt » signifiant « entre », « au milieu de », laissait penser qu’on ne l’y prendrait pas.
Mais ce que l’on n’a vraiment pas compris, c’est le penchant immodéré de Francis pour les histoires d’amour gothiques. En même temps, c’est une question de goût. Ici, les larmes sont noires et coulent grassement sur les joues, la blonde Elle Fanning erre dans la forêt tel un fantôme dans ses haillons de dentelle blanche, les clairs de lune sont bleu-acier et le monochrome s’habille de quelques touches de rouge. Un brin ringard tout de même quand on pense à l’utilisation du noir et blanc/couleur de Tarantino dans Kill Bill ou Boulevard de la mort, et même à Sin City de Robert Rodriguez. Là, on lorgne plus du côté de l’inélégant The Spirit de Frank Miller.
Perte des êtres chers ou méandres de la création : on a cherché de quelle estrade regarder tous les symboles du genre qui boursouflent le film (chouette qui rôde, pleine lune, bruits de chaînes et de souffle…) et on en a conclu que, même si c’est Francis, eh ben… c’est raté.
Twixt de Francis Ford Coppola, avec Val Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning… Etats-Unis, 2011. Sortie le 11 avril 2012.
Eh ben Mélanie, tu écris toujours aussi bien!!
Nam